Alexandre CABANEL (1823-1889)

Paysage, étude pour Ophélie, 1883
Huile sur toile
30 x 46 cm
Porte le cachet de la signature en bas à gauche
Provenance : vente de l’atelier de l’artiste, Paris, galerie Georges Petit, 22-25 mai 1889, n°106

Acquisition par le musée Fabre, Montpellier

Dans l’acte IV scène VII d’Hamlet, William Shakespeare prête ces quelques mots à la reine pour décrire le décor de la mort tragique d’Ophélie. Lorsque son amant assassine son père, Ophélie sombre dans la folie et se noie dans la rivière. Au XIXe siècle, les représentations de l’œuvre de Shakespeare se multiplient. Participant de l’anglomanie romantique, cet engouement est notamment dû aux nombreuses traductions qui fleurissent chez les libraires et à la reprise de la pièce à l’Odéon en 1827. L’interprétation d’Ophélie par la comédienne irlandaise Harriet Smithson marque en effet durablement les esprits. Les artistes s’emparent du personnage à partir des années 1830. Ses représentations sont très nombreuses et le moment le plus fréquemment illustré par les peintres est celui de la noyade. Eugène Delacroix réalise une série de lithographies sur le thème d’Ophélie puis traduit sur la toile les derniers instants de l’héroïne en 1844. Dans cette dernière œuvre, la jeune femme est sur le point de se noyer mais semble encore lutter pour sa vie en se retenant à une branche. 

Quatre décennies plus tard, Alexandre Cabanel, qui est l’un des artistes les plus célèbres du Second Empire, s’approprie le sujet et choisit d’illustrer l’épisode laissé en suspens par Delacroix. La branche de l’arbre vient de céder et Ophélie, vêtue d’une robe de satin blanc et bleu, semble s’abandonner à son sort funeste. Peinte en 1883, la toile n’est pas présentée au Salon des artistes français mais rencontre malgré tout le succès public grâce à la gravure d’Achille Jacquet exposée et diffusée dès 1884. Cabanel s’est déjà intéressé aux œuvres de Shakespeare en illustrant dès 1857 le personnage d’Othello racontant ses batailles, puis quelques années plus tard, en travaillant sur une toile restée inachevée représentant Hamlet assis sur le trône avec Ophélie à ses côtés. En 1889, à la mort du peintre, la vente des œuvres de son atelier est organisée par la galerie Georges Petit à Paris. Dans le catalogue qui accompagne l’événement, le lot numéro 106 est décrit comme une « Étude de paysage, pour le tableau d’Ophélie ». Cette toile de petit format permet de découvrir le peintre académique confronté à la question de la nature. D’une grande sensibilité, l’œuvre semble avoir été réalisée, au moins en partie, devant le sujet, probablement au bord du Lez près de Montpellier. Brossés avec des tons de brun et de vert, les arbres bordant le rivage se reflètent dans le ruisseau où quelques touches de peinture blanche éclairent la surface de l’eau. 

Alexandre Cabanel, sans en avoir probablement conscience, dialogue par cette étude avec Frédéric Bazille, peintre originaire comme lui de Montpellier et pour lequel le paysage fait l’objet d’une importante réflexion esthétique.

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