Ary SCHEFFER (1795-1858)
Étude pour La Plainte de la jeune fille, vers 1836-1837
Huile sur papier marouflé sur toile
42,5 × 34,8 cm
Provenance : probablement ancienne collection Mme Lefuel selon Marthe Kolb dans Ary Scheffer et son temps, Paris, Boivin, 1937, p. 475
Vendu
« La forêt de chênes mugit, les nuages avancent ; la jeune fille est assise sur le vert rivage ; le flot se brise, se brise avec force, et elle jette ses soupirs dans la sombre nuit, l’œil obscurci par les larmes. Le cœur est mort, le monde est vide, et n’offre plus rien désormais au désir. Ô sainte, rappelle ton enfant ! J’ai joui du bonheur terrestre : j’ai vécu, j’ai aimé. »
Friedrich von Schiller, « La Plainte de la jeune fille » [extrait], 1798
Dès les années 1820, Ary Scheffer est fasciné par un court poème de Friedrich von Schiller intitulé « La Plainte de la jeune fille » dont les premières lignes lui inspirent plusieurs œuvres tout au long de sa carrière. D’abord représentée sur des toiles de petit format, la jeune fille assise seule sur un rivage et pleurant face à la mer illustre parfaitement le début du poème. Vers 1836, Scheffer revient au texte de Schiller pour une peinture plus ambitieuse destinée à la princesse Marie d’Orléans, fille de Louis-Philippe. Cette nouvelle composition doit intégrer, en plus de la jeune fille en larmes, la sainte à laquelle elle s’adresse dans la seconde partie du poème, passant d’une interprétation allégorique et romantique du sujet à une image de piété chrétienne.
La toile, présentée au Salon, est ainsi décrite par Hippolyte Fortoul dans le journal Le Monde du 8 avril 1837 : « La Vierge vient au secours de celle qui l’implore au bord de l’abîme ; mais la douleur de l’infortunée est si grande que la présence de la reine céleste ne peut la calmer aussitôt. Si elle ne désespère plus, elle pleure toujours ; ses mains sont jointes, mais encore serrées avec angoisse ; sa tête, qui se lève vers le ciel, est encore penchée vers la terre ; M. Scheffer lui a donné des larmes intarissables, et, par une habileté que nous ne nous sommes point lassés d’admirer, il a jeté sur le cou toute une ligne d’ombre, qui fait entendre aux yeux les sanglots étouffés qu’exhale sans fin la poitrine de la pauvre délaissée. »
Il semblerait qu’il existe deux versions différentes de la composition : celle exposée au Salon de 1837, dont le registre suggère un format horizontal (100 × 180 cm), et une seconde destinée au collectionneur néerlandais Edward Levien Jacobson peinte en 1849 dans un format vertical et cintré (171 × 130 cm). Connue par des gravures et des photographies, la composition montre les deux personnages en vis-à-vis séparés par une diagonale. Pour les deux versions de 1837 et 1849, Ary Scheffer réalise plusieurs esquisses et études. L’une d’elles, peinte à l’huile sur papier, s’attarde sur la représentation du haut du corps de la jeune fille. Si le visage est identique à celui de l’œuvre finale, le vêtement composé d’un bustier brun foncé diffère. Les manches blanches sont plus hautes dans l’étude que dans le tableau définitif, à l’image du costume de sa Marguerite exposée au Salon de 1831.