Sulpice Guillaume CHEVALLIER, dit GAVARNI (1804-1866)

Portrait de Paul Émile Daurand-Forgues (1813-1883), dit « Old Nick »,1835
Aquarelle, gouache et mine graphite sur papier
22,7 × 16,7 cm
Signé, daté et dédicacé en bas Gavarni. Décembre 1835 témoignage d’amitié
Provenance : collection Eugène Forgues, fils du modèle, puis par descendance
Publication : frontispice de l’ouvrage de Lucien Pinvert, Un ami de Stendhal. Le critique É. D. Forgues, Paris, Librairie Henri Leclerc, 1915

Vendu

L’année 1835 fut difficile pour Sulpice ­Guillaume ­Chevallier. Connu sous le pseudonyme de « ­Gavarni », ce caricaturiste, dessinateur de presse et lithographe, vient de faire un séjour en prison. Deux ans plus tôt, il avait fondé le Journal des gens du monde, une revue satirique qui ne compta que dix-neuf numéros et lui coûta près de vingt-cinq mille francs. Incapable de rembourser ses créanciers, il est conduit à la prison de Clichy en mars 1835. Durant cette période, il reçoit le soutien de son ami Paul Émile Daurand-Forgues, un jeune avocat et critique littéraire. Selon Eugène Forgues, fils et biographe de ce dernier, les deux hommes se seraient rencontrés à Tarbes en 1828. Le jeune Émile, âgé d’une quinzaine d’années, y avait des attaches familiales et celui qui se faisait encore appeler Chevallier était en voyage pour découvrir les Pyrénées ; c’est d’ailleurs au cours de ce séjour, en visitant le cirque de Gavarnie, que lui serait venue l’idée de son pseudonyme. Les nombreuses lettres échangées entre les deux hommes témoignent d’une profonde et durable amitié. Dans l’une d’elles, datée de décembre 1835, Gavarni, libéré, s’inquiète de la mauvaise suite de ses affaires ; s’il a bien reçu son mandat de 200 francs, il avoue ne pas savoir comment le remercier. 

Un portrait de Paul Émile Daurand-Forgues peint à l’aquarelle par Gavarni et daté justement de décembre 1835 pourrait être un témoignage de la reconnaissance de son auteur. Représenté assis dans un fauteuil, les mains jointes, le jeune modèle de vingt-deux ans nous regarde en souriant. Vêtu d’un épais manteau sombre (nous sommes en décembre), Forgues prend la pose devant son bureau envahi par les livres au milieu desquels se perd un encrier. Abandonné sur une pile, un plumeau ajoute au désordre. Quelques années plus tard, Gavarni réalisera au moins deux autres portraits de son ami qui seront lithographiés. Un premier, aussi sérieux que fidèle, et un second représentant le critique littéraire penché sur son bureau, affublé d’un costume de diable. En 1838, Daurand-Forgues, qui a abandonné son métier d’avocat et dont les critiques sont connues pour leur sévérité, a lui aussi choisi un nom d’emprunt – « Old Nick » – l’un des nombreux surnoms du diable en Angleterre. 

Parfaitement bilingue, Paul Émile Daurand-Forgues fournit régulièrement des articles pour la presse britannique et traduit certains textes d’Edgar Allan Poe ou d’autres auteurs anglophones. Proche de Stendhal et de Lamennais, il collabora tout au long de sa vie à de nombreux journaux tels que la Revue des Deux Mondes, Le Charivari et L’Illustration. Son fils Eugène, né en 1857 de son mariage avec Marie Athénaïs Paulinier, poursuivra son œuvre littéraire tout en menant une carrière de procureur général à la Guadeloupe. 

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