Pietro GONZAGA (1751-1831)

Étude pour le rideau inaugural de La Fenice, vers 1792
Encre noire et mine graphite sur papier
38,5 × 47,5 cm 
Annotation au crayon en bas à droite illisible
Trace marquée de pli vertical au centre de la feuille

Au xviiie siècle, Venise, cité des fêtes et des spectacles, comptait sept théâtres. Le plus important, le théâtre San Benedetto, est détruit en 1773 par un incendie. En parallèle de sa reconstruction, décision est prise par la Ville de commander un nouveau théâtre plus moderne et plus luxueux à l’architecte Gian Antonio Selva. Baptisé La Fenice, le bâtiment est inauguré le 16 mai 1792. L’ouverture de la salle au public pour la représentation de l’opéra-ballet I giuochi d’Agrigento, de Giovanni Paisiello, est un véritable évènement où se presse toute la noblesse vénitienne et dont témoignent les journaux d’alors. Un article de la Gazzetta urbana veneta précise qu’il n’y avait pas un mais deux rideaux de scène. Le premier dû à Francesco Fontanesi était un trompe-l’œil de tapisserie, à motif de frise sur fond d’or, qui se levait au début et s’abaissait à la fin. Le second, utilisé entre les actes, était l’œuvre de Pietro Gonzaga, un artiste scénographe de quarante ans, fortement influencé par l’art de Piranèse. 

Il existe plusieurs dessins préparatoires pour le rideau de Gonzaga, conservés dans différentes collections, dont un très abouti au musée de l’Ermitage. Certains, tracés au lavis, présentent la composition architecturale dans différentes variantes avec ou sans figures ; d’autres, esquissés au crayon, trahissent les premières hésitations de l’artiste. Une feuille inédite, à l’encre, montre schématiquement l’ensemble des éléments définitifs tels que décrits quelques jours après l’inauguration dans la Gazzetta urbana veneta du 23 mai 1792 : « Il représente une rotonde à chaque coin, dont deux côtés sont visibles. La corniche corinthienne est soutenue par deux rangs de colonnes entre lesquelles apparaissent les statues des plus grands poètes tragiques et comiques grecs. Les figures les plus naturelles sont celles des prêtres, des sacrificateurs, des muses, des génies, des arts, etc. L’ensemble est si bien conçu, si parfaitement disposé, si bien coloré, que l’effet de l’illusion, qui suscite l’admiration et le ravissement, ne saurait être amélioré. »

Repeint à plusieurs reprises à l’identique ou en inversant la composition, ce rideau devient un modèle pour les générations futures de décorateurs avant sa disparition dans l’incendie qui détruit le théâtre en 1836. Outre pour La Fenice, Gonzaga a travaillé pour les plus célèbres théâtres de son temps à Milan, Gênes et Rome avant d’accepter en 1792 le poste de directeur général de la musique et de l’apparat à la cour de Catherine II en Russie. Le décorateur y est maintenu dans ses fonctions jusqu’à son décès en 1831 à Saint-Pétersbourg.

Retour en haut