Minuit, Chrétien, vers 1896
Encres de couleur et or sur papier
38 × 25 cm à vue
Signé en bas à gauche Marcel/Lenoir
Exposition : sixième Salon de l’ordre de La Rose+Croix du Temple et du Graal, 1897, no 93 : Minuit, Chrétien
Œuvre en rapport : lithographie de Sarar d’après Marcel-Lenoir, publiée dans La Vie : revue bimensuelle, no 1, décembre 1896, n. p.
Vendu
Jules Oury développe très tôt ses talents artistiques en assistant son père orfèvre à Montauban. En 1889, il part rejoindre son frère aîné à Paris et fréquente quelque temps l’École des arts décoratifs. Décidé à devenir peintre, il prend le pseudonyme de « Marcel-Lenoir » par fantaisie et peut-être pour éviter la confusion avec son frère, Louis, sculpteur et affichiste. À cette époque il fréquente les artistes et les poètes du Quartier latin en arborant une longue barbe et un costume noir qui lui donne l’air d’un vagabond effrayant. Menant une vie de bohème, Marcel-Lenoir peine à vendre ses travaux jusqu’à sa rencontre avec l’éditeur Arnould. Découvrant son travail pur et synthétique dans l’esprit du style Art nouveau naissant, ce dernier lui offre d’imprimer et de diffuser ses œuvres passées et à venir.
Peu de temps après, une seconde personnalité va influencer l’évolution du travail de Marcel-Lenoir : Joseph Péladan. Figure aussi déroutante qu’emblématique de la fin du siècle, celui qui se fait appeler le Sâr invite le jeune artiste à participer en 1897 au sixième et dernier Salon de l’ordre de la Rose+Croix. Cet ordre mystique, qui prône la fusion entre l’art et la spiritualité, expose depuis 1891 les œuvres symbolistes d’artistes tels que Fernand Khnopff, Ferdinand Hodler, Alexandre Séon, ou encore Antoine Bourdelle, un autre Montalbanais. Le livret de l’exposition de 1897 à la galerie Georges Petit précise que les œuvres présentées sont des peintures, des dessins et des sculptures. À cette occasion, Marcel-Lenoir choisit d’exposer plusieurs œuvres mystiques, techniquement proches de l’enluminure. L’une d’elle intitulée Minuit, Chrétien représente un cortège de femmes, nues ou habillées, rassemblées autour d’un ange qui porte sur un plateau la tête du Christ nimbée. L’œuvre mêle le synthétisme des figures à la complexité des costumes et des décors. Rehaussée d’or et peinte aux encres de couleur, elle conserve le souvenir des premières ambitions d’orfèvre du peintre. Sous l’estampe, qui fut lithographiée d’après son dessin et publiée dans le premier numéro de la revue La Vie en décembre de l’année précédente, l’auteur avait tenté d’éclairer le sujet par quelques lignes aussi poétiques qu’obscures : « … Sa chair lasse, inassouvie, curieuse, s’embrasa du sacrilège désir, rêva vibrer de l’inattingible étreinte. Mais son cœur, corrompu par de charnels souvenirs, chut sur la terre, dans les larmes. Et son âme, flamme subtile, remonte vers l’Espoir, vers l’Union mystique des Purifiés… M. L. »
Au début du nouveau siècle, l’artiste s’éloigne de Péladan et abandonne le style symboliste de ses premières années. Dès lors, il fait de nombreux allers-retours entre Paris et sa région natale en quête de sérénité, avant de quitter définitivement la capitale en 1913. Installé à Bruniquel puis à Montricoux, près de Montauban, éloigné du tumulte parisien, Marcel-Lenoir se consacre pleinement à son œuvre en développant une voie artistique qui lui est propre jusqu’à sa mort en 1931.