Georges Antoine ROCHEGROSSE (1859-1938)

Étude pour la figure de Alilat,vers 1903
Aquarelle et encre sur papier
21 × 16 cm
Signé en bas à droite G Rochegrosse
Œuvre en rapport : lithographie par Eugène Decisy pour Le Poison des pierreries de Camille Mauclair, Paris, F. Ferroud, 1903, page 75

Georges Antoine Rochegrosse, natif de Versailles, devient orphelin de père à quatorze ans. Dès l’année suivante, sa mère épouse en secondes noces le poète Théodore de Banville par l’intermédiaire duquel le jeune homme rencontre les meilleurs écrivains de son temps : Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé, Arthur Rimbaud, Victor Hugo et Gustave Flaubert. Rochegrosse s’inscrit en 1871 à l’académie Julian dans les ateliers de Jules Lefebvre et de Gustave Boulanger puis achève ses études à l’École des beaux-arts de Paris où il concourt par deux fois au prix de Rome, sans succès. Tout en hésitant entre orientalisme et symbolisme, le jeune peintre se lance dans une carrière d’illustrateur qui sera prolifique. En 1893, l’éditeur Ferroud lui confie l’illustration de l’édition de luxe de Salammbô. En quête d’authenticité et d’inspiration, Rochegrosse part pour la Tunisie puis découvre l’Algérie en avril 1894. À partir de ce moment, il alterne période de vie parisienne dans son atelier de la cité Chaptal et séjours algérois. 

André Ferroud, qui depuis le succès de Salammbô sollicite régulièrement le peintre pour de nouveaux projets, demande à Rochegrosse de travailler en 1903 aux illustrations du dernier roman de Camille Mauclair. L’auteur de trente et un ans, ancien disciple de Mallarmé,avait fait ses débuts neuf ans plus tôt en publiant un recueil de poèmes. Collaborateur dans de nombreux journaux comme critique littéraire, il connaît en ce début de siècle une certaine reconnaissance. Le Poison des pierreries, son septième roman, dédicacé à Rochegrosse, raconte l’histoire de deux frères, Cimmérion et Sparyanthis, princes d’une cité d’Orient, se déchirant pour l’amour de l’envoûtante Alilat. La jeune femme, unie de force au premier, mais préférant le second, finit par empoisonner son époux avec des pierreries. Pour accompagner le texte, l’artiste réalise dix-huit aquarelles qui sont gravées à l’eau-forte en couleurs par Eugène Decisy, dont six hors texte. La dernière de ces grandes images représente le moment où Sparyanthis comprend que son frère, empoisonné par Alilat, va mourir. Se jugeant responsable, il tend un poignard à Cimmérion et lui demande de le tuer. La meurtrière tente de retenir le bras de son amant qui, dans un geste désespéré, retourne l’arme contre elle. Une aquarelle détaillée de Rochegrosse prépare à cette dernière figure en excluant les deux hommes et le décor. On peut y voir la jeune femme aux yeux révulsés dansant au centre la feuille vêtue d’une robe orientale aux couleurs bigarrées et parée de nombreux bijoux. 

Rochegrosse affectionne particulièrement les sujets d’inspiration orientale. Depuis son mariage et son installation à Alger, il vit heureux loin de la pression des salons et multiplie les œuvres de chevalet aux sujets exotiques. Son bonheur s’interrompt brusquement lorsque sa femme Marie décède en 1920. Inconsolable, le peintre rentre en France après avoir fait ériger un mausolée face à la mer en souvenir de sa compagne.

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