Portrait de Georges Wague (1874-1965) mime de l’Opéra de Paris en Guignol, 1909
Aquarelle, encre et crayon noir sur papier
62,5 × 45,5 cm
Dédicacé, signé et daté en bas à droite à mon vieil ami Pierrot Wague/bien cordialement/Maurice Neumont/.09
Héritier des Deburau père et fils, mais plus encore de Paul Legrand dans le rôle de Pierrot, Georges Wague s’impose à la fin du xixe siècle comme la nouvelle incarnation populaire du personnage. Né en 1874, il fuit très jeune une famille dévote pour s’inscrire au Conservatoire où il suit l’enseignement de l’acteur Dupont-Vernon. Le jeune comédien de vingt ans fait ses débuts aux soirées de La Plume et crée une méthode nouvelle de jeu, associant le mime au chant, qu’il baptise « Cantomime »par opposition à la pantomime, par définition silencieuse. Au théâtre de la Bodinière, rue Saint-Lazare, son interprétation touchante du candide Pierrot lui assure ses premiers succès avant que Xavier Privas lui offre en 1899 le rôle principal de sa pièce Sommeil blanc aux côtés de l’actrice Blanche Cavelli. L’année suivante, durant l’Exposition universelle de Paris, il reprend différentes pièces dont Pierrot est toujours le héros. Le visage de Georges Wague, maquillé de blanc et coiffé d’une calotte noire, s’affiche dans tout Paris au fronton des théâtres et sur les colonnes Morris. Sa vision du personnage, plus dramatique que burlesque, s’adapte parfaitement au cinéma naissant et l’acteur est choisi en 1907 par Michel Carré pour reprendre le premier rôle de sa pièce L’Enfant prodigue devant la caméra. Le film, produit par la maison Pathé, dure quatre-vingt-dix minutes et devient le premier long métrage tourné en Europe. Dès lors, Wague jouera dans plus d’une trentaine de films jusqu’au début des années 1920.
Maurice Neumont, ancien élève du peintre Jean Léon Gérôme, est à la même époque un illustrateur recherché, auteur de nombreuses affiches. En 1898, il avait réalisé une lithographie en couleurs pour les Funambules, un théâtre de la rue Fontaine, sur laquelle Pierrot interprété par Séverin Caffera côtoyait d’autres personnages issus de la commedia dell’arte. Figure importante du monde de la nuit de Montmartre et dans les faubourgs, Neumont doit croiser très tôt la route de Georges Wague. Sur une grande aquarelle, reprenant les codes de l’affiche, le peintre trace le portrait de l’acteur de profil dans son costume fétiche. Au centre de la feuille, « Pierrot Wague » se tient de profil et arbore un grand sourire. Telle une marionnette, il est représenté à mi-corps, les bras levés, dans l’encadrement d’un théâtre de Guignol. Le gendarme, renversé sur le rebord du castelet de bois, apparaît inanimé comme vaincu par le héros blanc. Une frêle potence, unique accessoire, effleure le nez de l’acteur en guise de menace. En bas à droite, l’œuvre, datée de 1909, porte une amicale dédicace de l’artiste à son modèle.
Après 1930, l’art du mime, fortement concurrencé par le cinéma parlant, n’attire plus le public. Georges Wague quitte alors définitivement la scène pour se consacrer à l’enseignement avec son épouse, l’actrice Christiane Mandelys. Après la mort de cette dernière en 1957, Wague se retire à Menton où il s’éteint en 1965.