Albert BESNARD (1849-1934)

Scène de massacre, 1872
Aquarelle et gouache sur papier 
28 × 37,2 cm
Signé et daté en bas à gauche ABesnard. 1872

Vendu

Fils du peintre d’histoire Adolphe Besnard et de la peintre miniaturiste Louise Besnard, Albert naît à Paris en 1849. Après des études classiques, durant lesquelles ses parents lui donnent ses premières leçons de dessin, le jeune homme commence véritablement son apprentissage auprès du peintre Jean François Brémond. À dix-sept ans, Albert Besnard s’inscrit dans les ateliers d’Alexandre Cabanel et Sébastien Cornu à l’École des beaux-arts, puis participe pour la première fois au Salon en 1868. Lecteur féru depuis l’enfance, passionné par l’histoire, Besnard présente l’année suivante une peinture ambitieuse fortement influencée par les maîtres de la Renaissance italienne : Procession des bienfaiteurs et des pasteurs de l’église de Vauhallan depuis son origine jusqu’à la Révolution de 1793. À la déclaration de guerre en 1870, l’artiste s’engage dans la Garde nationale avec laquelle il se bat contre les Prussiens, mais quitte Paris pour fuir les évènements de la Commune. Cet épisode terrible de l’histoire de Paris, qui se conclut dans un bain de sang, marque profondément le jeune artiste qui, de retour dans la capitale, reprend ses études avec acharnement et ambitionne de gagner le prix de Rome. 

De cette période date une aquarelle dont le sujet sanglant fut probablement inspiré par les évènements récents. La scène se déroule dans une chambre au décor puisé dans le répertoire ornemental du xve siècle. Sur la gauche, une imposante cheminée fait face à un baldaquin fermé par d’épais rideaux en brocart cramoisi. Une femme nue, sans vie, gît sur le lit et domine le corps frêle d’un enfant abandonné sur la marche de l’estrade. Des traînées rouges s’écoulent des plaies et se répandent sur les lattes du parquet, prolongation sanguine de la couleur des tentures. Au fond, par la fenêtre pendante, détachée de ses gonds, on aperçoit les toits bleutés de la ville. Bien que le sujet de cette aquarelle ne soit pas légendé, la date de « 1872 » inscrite sur la cheminée et la reprise presque à l’identique du décor du tableau de Robert-Fleury Scène de la Saint-Barthélemy, acheté par l’État au Salon de 1833, ne laissent aucun doute sur les intentions de Besnard : il fait référence aux massacres qui eurent lieu à Paris précisément quatre siècles plus tôt, le 24 août 1572, jour de la Saint-Barthélemy, durant lequel des milliers de protestants furent assassinés.

L’année précédente, l’École des beaux-arts avait imposé pour le concours le sujet des Adieux d’Œdipe aux cadavres de sa femme et de ses fils, thème funeste avec lequel résonne celui de l’aquarelle tracée en 1872. Albert Besnard remporte le prix de Rome en 1874 avec La Mort de Timophane, tyran de Corinthe, première étape d’une carrière remplie d’honneurs et de succès. 

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