Geneviève-Charlotte SIMON, dite Eugénie DALTON (1802-1859)
Un martin-pêcheur, vers 1834
Huile sur toile
24,5 × 32,4 cm
Signé en bas à droite E. Dalton
Expositions : Paris, Salon de 1834, no 406 : Petit oiseau mort dans un marais ; Valenciennes, salon de 1835, no 747 : Un Martin pêcheur
Vendu
Mais qui était Mme Dalton ? Personnalité oubliée de la période romantique, son rôle discret dans l’histoire de l’art est étroitement lié à sa relation avec le peintre Eugène Delacroix. Née Geneviève-Charlotte Simon dans les premières années de son siècle, elle entre très jeune à l’Opéra comme ballerine où elle prend le surnom de Nini Simon. Certaines mentions font d’elle la maîtresse d’Horace Vernet avant qu’elle n’épouse un officier Irlandais, Philip Tuite Dalton, avec qui elle a une fille en 1819. Bien que mariée, elle tombe sous le charme du l’artiste britannique Richard Parkes Bonington par l’intermédiaire duquel elle fait la connaissance de Delacroix. Leur rencontre a lieu vers 1825 lorsque le peintre réalise vraisemblablement pour elle une première version (disparue) de la toile Tam o’Shanter poursuivi par les sorcières. Une lettre datée de 1827 témoigne du tournant amoureux pris par leur relation et de la présence de Mme Dalton à Paris ; celle-ci se fait désormais appeler Eugénie. Delacroix peint et dessine plusieurs portraits de sa maîtresse qui lui sert également de modèle pour le visage d’un ange dans Le Christ au jardin des Oliviers. Le contenu souvent enflammé de leurs échanges nous informe sur l’apprentissage de la jeune femme qui commence à peindre avec tant de talent qu’un Paysage avec figures de sa main est accepté au Salon dès 1827. Six ans plus tard, elle reçoit une médaille de deuxième classe pour sa toile Vache dans une étable qui est acquise par l’État (aujourd’hui au musée du Louvre).
À l’occasion du Salon de 1834, Delacroix expose Femmes d’Alger dans leur appartement, souvenir de son voyage en Afrique du Nord deux ans plus tôt. Eugénie Dalton aurait prêté ses traits pour l’une des figures (si ce n’est pour les trois). Près de l’œuvre de son maître et amant, la jeune femme expose elle aussi trois peintures : Étude de deux haras, Petit chien de race anglaise et Petit oiseau mort dans un marais. Cette dernière toile, de petit format, est traitée avec la finesse d’une aquarelle anglaise de Newton Fielding. Au centre de la composition, le corps du martin-pêcheur aux couleurs vives est disposé sur un rivage marécageux aux tons clairs. Dans le lointain, le ciel du jour finissant se pare de teintes allant du rose au bleu en passant par l’oranger. L’animal sans vie disposé dans un paysage ne peut qu’évoquer la célèbre Nature morte aux homards peinte par Delacroix sept ans plus tôt. L’année suivante, Eugénie Dalton expose de nouveau sa petite toile au salon de Valenciennes sous le titre Un Martin pêcheur.
Il semble qu’après cette date les liens entre les deux artistes évoluent vers une amitié contrainte, Eugénie ne masquant pas sa jalousie devant les multiples idylles d’Eugène. Probablement en partie lassée par ce manque d’exclusive, elle décide de quitter la France pour l’Algérie. Là, nous perdons toute trace de ses activités jusqu’à son décès à Alger en 1859.