Sara la baigneuse, vers 1850
Huile sur toile
11 × 14 cm ; 8,2 × 12,8 cm à vue
Signé en bas à gauche Em. Signol.
Esquisse préparatoire à l’échelle 1/10 pour le tableau du Salon de 1850
« Sara, belle d’indolence / Se balance / Dans un hamac, au-dessus / Du bassin d’une fontaine / Toute pleine / D’eau puisée à l’Illyssus / Et la frêle escarpolette / Se reflète / Dans le transparent miroir / Avec la baigneuse blanche / Qui se penche / Qui se penche pour voir / Chaque fois que la nacelle /Qui chancelle / Passe à fleur d’eau dans son vol /On voit sur l’eau qui s’agite / Sortir vite / Son beau pied et son beau col. »
Victor Hugo, « Sara la baigneuse »
Les Orientales, 1829
En 1828, Victor Hugo, qui travaille à son recueil des Orientales, écrit un court poème d’une grande sensualité, véritable éloge du voyeurisme, qu’il intitule « Sara la baigneuse ». Ces quelques vers publiés en 1829 connaissent un succès populaire immédiat. Les dessins et les gravures illustrant la belle Sara se multiplient sous les crayons des amis romantiques de l’auteur, Louis Boulanger et Alexandre-Marie Colin. Cinq ans plus tard, Hector Berlioz met le poème en musique pour un triple chœur accompagné d’un orchestre. Au Salon, entre 1839 et 1850, pas moins de dix œuvres, peintes ou sculptées, citent explicitement le poème. Durant la même période, d’autres baigneuses s’en inspirent plus ou moins directement.
Émile Signol, ancien élève du baron Gros et lauréat du prix de Rome en 1830, ambitionne à la fin des années 1840 de faire de la belle alanguie hugolienne le sujet d’une toile au format d’une peinture d’histoire. À cette fin, il réalise plusieurs dessins et une esquisse de mise en place de la composition à l’échelle d’un dixième du format définitif prévu. Peint sur une toile minuscule, où le peintre a ménagé une bande blanche en réserve pour respecter le rapport, le corps de Sara s’offre au regard dans toute sa nudité. Allongée sur un hamac au-dessus de l’eau, la jeune fille semble endormie. Le décor traité en quelques touches de vert et de rouge évoque la végétation exotique de l’Orient. Sur la droite, une trace blanche suggère un linge accroché à la branche d’un arbre. Lorsque l’œuvre définitive est exposée au Salon de 1850, le peintre a ajouté de nombreux et délicats détails, tel ce pompon de la nacelle qui vient opportunément cacher le sexe de la baigneuse pour mieux le désigner. Cette année-là, parmi les neuf tableaux que Signol expose, Sara n’est pas la seule œuvre qui s’inspire des textes d’Hugo ; Les Fantômes est emprunté à un autre poème des Orientales et la toile intitulée La Fée et la Péri tire son sujet de Odes et Ballades, recueil publié en 1824. La grande toile de Sara la baigneuse reste la propriété du peintre jusqu’à sa mort en 1892. Elle sera léguée par sa fille dix ans plus tard au musée des Beaux-Arts de Tours en même temps que La Folie de la fiancée de Lamermoor, également présentée au Salon de 1850.