Béatitude, vers 1890
Huile sur toile
50 x 75 cm
Cachet de l’atelier en bas à droite
Provenance : collection de la famille Kuntz
Bibliographie : Gerald M. Ackerman, Jean-Léon Gérôme : monographie et catalogue raisonné, ACR Édition, Paris, 2000, pp. 326-327, rep. sous le numéro 370.3 sous le titre « Béatitude, ébauche »
Originaire de Vesoul, Jean-Léon Gérôme intègre très tôt l’atelier de Paul Delaroche à Paris. Il se présente à plusieurs reprises au Prix de Rome, mais face à ses échecs successifs, décide d’accompagner son maître en Italie. L’année de son retour en France, le jeune peintre connaît son premier succès au Salon de 1847 avec sa toile des Jeunes Grecs faisant battre des coqs. Le tableau salué par Théophile Gautier apparaît comme un véritable manifeste du courant néo-grec. Adoptant tous les codes de la peinture académique, le peintre expose des œuvres aux sujets tant religieux que mythologiques ainsi que des portraits. En 1854, Gérôme visite l’Empire ottoman puis, trois ans plus tard, part à la découverte de l’Égypte. Ses premiers voyages ont une profonde influence sur son travail qui évolue vers l’orientalisme. Pour le Salon de 1861, aux côtés de sa Phryné devant l’aréopage et de deux autres toiles inspirées par l’histoire antique, le peintre expose Un Hache-paille égyptien. Dès 1862, ses toiles connaissent une large diffusion grâce à Adolphe Goupil, son beau-père, éditeur et marchand d’art renommé qui fait reproduire ses compositions par la gravure.
Parallèlement à ces scènes de genre orientales, Jean-Léon Gérôme produit une série de toiles dont les animaux et sur- tout les félins deviennent les acteurs principaux. Les lions occupent une place particulière dans ce bestiaire. Plusieurs spécialistes de l’artiste ont suggéré un rapport symbolique entre l’homme et l’animal : son prénom, Léon, signifiant lion en latin et son patronyme qui renvoie à la figure de saint Jérôme, souvent associée dans l’iconographie chrétienne au roi des animaux. Lorsqu’au début des années 1890 Gérôme accorde une série d’entretiens à Fanny Field Hering, qui souhaite écrire sa biographie, l’artiste évoque l’une de ses toiles intitulée Béatitude. Il explique que cette peinture représentant un lion assis devant l’entrée d’une grotte, reprend l’image d’une sculpture en bronze présentée au Salon de 1891. Le titre illustre bien le plaisir paisible de l’animal s’abandonnant à la chaleur des derniers rayons du soleil. Une autre toile, considérée comme son « ébauche » par Gerald M. Ackerman, montre la même composition avec des variantes significatives. Si les deux lions sont presque identiques, le décor à l’arrière-plan diffère davantage et la lumière du soleil couchant change d’orientation, projetant l’ombre du lion à gauche sur la paroi dans l’une, et de manière plus estompée à droite dans l’autre. Le format supérieur et la présence de plusieurs repentirs partiellement masqués peuvent laisser penser que cette œuvre correspondrait plus à une première version laissée inachevée qu’à une esquisse préparatoire. Son traitement, d’une grande liberté, ainsi que les choix colorés de Gérôme, contrastent avec l’idée convenue d’un artiste à la technique froide et photographique, longtemps considéré avec Bouguereau comme le porte-étendard des peintres académiques injustement surnommés, « pompiers ».