Faust, au moment de s’empoisonner, est frappé par le son des cloches de Pâques (Goethe), 1831
Préparatoire au tableau du Salon de 1831, n° 1882
Huile sur toile
33 x 41 cm
Signé et daté en bas à droite Saligo – 1831 –
Porte la mention en bas à droite Esquisse
Provenance présumée : collection du chevalier Théodore de Coninck de Merchem (1807-1855) ; sa vente, Gand, 4 août 1856 (comme « Effet de lumière. Un chimiste travaillant dans son laboratoire la nuit », 45 x 52 cm : vendu 31 fr.)
Né en 1804 à Grammont dans le département de l’Escaut, actuellement province de Flandre-Orientale en Belgique, Charles-Louis Saligo se forme d’abord auprès de son compatriote Pierre Van Huffel, un peintre d’histoire lui aussi originaire de Grammont et actif à Gand. Saligo se rend ensuite à Paris où il intègre l’atelier du baron Gros. Il expose de 1827 à 1848 au Salon où il est mentionné comme résidant au numéro 14 de la rue Saint-Dominique-Saint-Germain (7e arrondissement). Aujourd’hui, son chef-d’œuvre reste sans nul doute l’Autoportrait qu’il peint vers 1824-1826 (1) et qui sera acquis en 1828 par le Rijksmuseum d’Amsterdam (2).
Au Salon de 1831, Saligo présente trois tableaux : Briséis enlevée de la tente d’Achille par les envoyés d’Agamemnon, Le Champ du repos des braves morts au Louvre et Faust, au moment de s’empoisonner, frappé par le son des cloches de Pâques (3). La première œuvre, qui avait valu à l’auteur le premier prix de peinture au salon de Bruxelles en 1827 (4), est un sujet d’histoire assez conventionnel. Le suicide de Faust, au contraire, semble plus moderne et dans l’air du temps. Tiré de l’ouvrage que Goethe publia en 1808, l’histoire de la pièce reprend le conte populaire du pacte avec le diable, nommé Méphistophélès. Écrit en allemand, le sujet ne semble pas traité en France avant 1827, date à laquelle Eugène Delacroix signe un tableau intitulé Faust et Méphistophélès (5). La même année, Charles Motte avait en effet décidé de publier la traduction en français de Faust par Philippe-Albert Stapfer. Signe de la mode du sujet, Ary Scheffer présenta au même Salon de 1831 deux toiles en pendant : Faust et Marguerite (6).
Vêtu d’un ample manteau de fourrure, Faust, accoudé sur un fauteuil tapissé de rouge, s’apprête dans un dernier geste de désespoir à se donner la mort, une coupe en cristal remplie de poison dans la main. Sur la gauche de la composition, on retrouve une bibliothèque et une mappemonde, ainsi que de nombreuses fioles qui expliquent que l’œuvre avait depuis perdu son sujet au profit d’un titre plus hermétique « L’Alchimiste dans son atelier ». Derrière une loggia, au fond de la pièce, on aperçoit la tour d’une église depuis laquelle Faust entend le son des cloches de Pâques. Si l’œuvre aboutie présentée au Salon n’a pas réapparu depuis lors, l’esquisse de Saligo a quant à elle vraisemblablement été vendue à Gand en 1856 lors de la dispersion de la collection du chevalier de Coninck de Merchem. Les dimensions citées dans le catalogue de vente (45 x 52 cm), probablement avec cadre comme c’était l’usage, ainsi que la description du tableau – « Un chimiste travaillant dans son laboratoire pendant la nuit : effet de lumière » (FRF 31) (7) – invitent à penser qu’il s’agit de notre esquisse.
Après la révolution de Février 1848, Saligo revient se fixer dans sa patrie, d’abord à Bruxelles, boulevard d’Anvers, puis à Lokeren et enfin à Saint-Josse-ten-Noode. Outre-Quiévrain, il participe jusqu’en 1857 aux expositions où il présente des portraits, des sujets de fantaisie et même une nature morte (8). Il continue à peindre jusqu’à la fin de sa vie, comme en témoigne Le Christ qu’il peint en 1873 (9). Un an plus tard, il s’éteint à l’âge de septante ans.
(1) Charles-Louis Saligo, Autoportrait, vers 1824-1826, huile sur toile, 91 x 74 cm, Amsterdam, Rijksmuseum.
(2) Catalogue des tableaux, miniatures, pastels, dessins encadrés etc : Musée de l’Etat à Amsterdam / publié par décret du Ministre de l’Intérieur, Amsterdam, 1904, p. 278, n° 2113.
(3) François-Fortuné Guyot de Fère, Annuaire des artistes français, Paris, 1832, p. 146.
(4) Charles Gabet, Dictionnaire des artistes de l’école française au XIXe siècle, Paris, 1834, pp. 621-622.
(5) Eugène Delacroix, Faust et Méphistophélès, 1827, huile sur toile, 45,5 x 37,7 cm, Londres, Wallace Collection.
(6) La localisation et l’hypothèse de la destruction de ces toiles font encore débat. Le musée de la Vie romantique et le musée Sainte-Croix de Poitiers possèdent tous les deux des répliques.
(7) Emmanuel Bénézit, Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, t. 12, Paris, 1999, p. 213.
(8) Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, Biographie nationale, t. 21, Bruxelles, 1911-1913, p. 221.
(9) Charles-Louis Saligo, Le Christ, 1873, huile sur toile, 55 x 44 cm, Anvers, Campo & Campo, 23 juin 2020, n° 394.