James PRADIER (1790-1852) 

Bellérophon et Sthénébée sur le dos de Pégase, vers 1840
Encre brune et mine graphite sur papier
13,3 x 15,9 cm
Trace d’un cachet en bas à gauche j. pradier
Provenance : vente anonyme, Paris, hôtel Drouot, Me de Ricqlès, 8 juin 1994, n° 33 ; vente anonyme, Paris, hôtel Drouot, Chayette-Cheval, 2 février 1998, n° 108

Vendu

Quelles que soient les versions antiques dans lesquelles apparaît le personnage mythique de Sthénébée, celle-ci connaît une fin tragique. Chez Euripide, cette reine de Tirynthe, épouse de Proétos, tombe amoureuse de Bellérophon et tente en vain de le séduire. Le jeune héros, dont les sentiments ne sont pas réciproques, finit par provoquer la colère de Sthénébée qui complote contre lui. Averti par un membre de la cour, Bellérophon décide de se venger et feint de partager sa passion en lui proposant de l’emmener jusqu’en Carie sur le dos de Pégase. Aveuglée par son amour, Sthénébée accepte de le suivre et alors qu’ils survolent les mers, elle est précipitée dans les airs par Bellérophon et se noie. Du point de vue purement iconographique, ce sujet est à rapprocher du mythe de Persée délivrant Andromède raconté par Ovide dans ses Métamorphoses et de celui de Roger délivrant Angélique tel que décrit par l’Arioste dans son Orlando furioso. Ces deux thématiques, plus populaires chez les artistes du XIXe siècle que l’histoire de Sthénébée, associent également un héros masculin, une jeune femme et une monture volante légendaire. Si chez Ovide nous retrouvons Pégase comme chez Euripide, à aucun moment Andromède ne le chevauche alors que chez l’Arioste, l’animal sur lequel s’enfuient les deux amants n’est pas un cheval, mais un hippogriffe. 

Jean-Jacques Pradier, dit James Pradier, est un artiste né à Genève en 1790. Lauréat du Prix de Rome de sculpture en 1813 après avoir fréquenté l’atelier de François-Frédéric Lemot, il part pour Rome. Renvoyé de la Villa Médicis pour mauvais comportement, il rentre en France et débute au Salon de 1819 avec une Bacchante qui est récompensée d’une médaille d’or par le jury. Peu de temps après, Pradier entame une liaison avec Juliette Drouet qui donnera naissance à leur fille Claire en 1826. Élu comme membre de l’Académie des Beaux-Arts alors qu’il n’a que trente-sept ans, le sculpteur reçoit tous les honneurs que peut espérer un artiste de son temps. Sous la monarchie de Juillet, son travail toujours très apprécié lui vaut de nombreuses commandes. 

En 1840, Antoine-Louis Barye, autre célèbre sculpteur de l’époque, conçoit un groupe en bronze sur le thème de Roger délivrant Angélique comme motif central d’une pendule commandée par le duc de Montpensier. Cette œuvre rapidement éditée doit attirer l’attention de Pradier qui, dans un dessin très vif tracé à l’encre brune, semble vouloir répondre à son illustre confrère. Il choisit alors d’explorer le sujet proche de Bellérophon et Sthénébée sur le dos de Pégase. Les jambes arrière du cheval touchant l’écume montrent la préoccupation technique du sculpteur devant créer un socle pour le groupe en porte-à-faux. Cette étude, aussi rapide que puissante, semble être le seul dessin connu pour un projet qui ne sera jamais sculpté par l’auteur.

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