François-Nicolas CHIFFLART (1825-1901)

Charité bien ordonnée, vers 1846
Craie lithographique sur papier
28,5 x 22,5 cm
Signé en bas à gauche Chifflart

Vendu

François-Nicolas Chifflart est probablement le seul lauréat du Prix de Rome au XIXe siècle à ne pas avoir connu de véritable carrière académique. Originaire de Saint-Omer où son père est serrurier, il s’initie très tôt à l’art de la gravure. Convaincu de son talent, il gagne Paris pour intégrer l’atelier de Léon Cogniet à l’École des Beaux-Arts en 1844. Dès l’année suivante, il présente deux toiles au Salon. En 1846, les œuvres qu’il choisit d’exposer sont marquées par l’influence de Daumier et du mouvement réaliste qui émerge dès la fin du règne de Louis-Philippe. Intitulé Brisée par le malheur, l’un de ces tableaux est décrit dans le livret comme représentant « Une pauvre mère, épuisée par la fatigue et la misère, [qui] s’évanouit au pied d’une croix ». Un curé remonte paisiblement les escaliers d’une ruelle, l’air visiblement satisfait de lui-même. Il vient de passer sans s’arrêter devant une mère qui, son enfant dans les bras, tend sa main dans l’attente d’une pièce pour survivre. Sa maigreur famélique contraste violemment avec la bonhomie générale de l’homme de foi. Ignorée par celui dont la vocation devrait faire de l’acte de charité un devoir, la femme assise sur les marches maintient son bras tendu sans désillusion. Ecrasé sur la feuille de papier vergé, le crayon lithographique ajoute à la noirceur de la scène. Véritable charge anticléricale dans la verve de Daumier, ce dessin de Chifflart montre les préoccupations sociales, voire socialistes de son auteur. Après avoir remporté le Grand Prix de peinture en 1851, Chifflart gagne l’Italie comme tous les lauréats. À son retour, son opposition ouverte à l’académisme, ses choix politiques clairement assumés et le peu d’estime qu’il porte à l’empereur lui ferment les portes de la commande officielle. Dans une situation très précaire, l’artiste se tourne vers la gravure et survit grâce au soutien de son beau-frère, Alfred Cadart, qui est imprimeur. Ses engagements moraux et sa révolte intérieure trouveront toute leur expression dans son amitié avec Victor Hugo pour lequel il illustrera Les Travailleurs de la mer.

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