Auguste-Jacques RÉGNIER (1787-1860)

Le Pont Notre-Dame à partir des voûtes du quai de Gesvres, vers 1815
Huile sur toile
43 x 71 cm
Exposition : Un Panorama de Paris et ses environs, tableaux-dessins 1680-1840, 1996, Galerie J. Kugel, Paris, n°22

Acquisition par la Fondation Custodia, Paris

En 1815, la France sort de l’Empire et Paris est en pleine mutation. La Révolution puis Napoléon ont profondément bouleversé la physionomie de la capitale. Le peintre Auguste-Jacques Régnier a vingt-huit ans lorsque l’Empereur est exilé à Sainte-Hélène. Trois ans plus tôt, il participait pour la première fois au Salon en exposant une toile titrée Paysage, temps orageux. Ancien élève de Jean-Victor Bertin, célèbre paysagiste néo-classique formé chez Pierre-Henri de Valenciennes, Régnier avait pu admirer dans l’atelier de son maître un autre pan de sa production plus intimiste. En parallèle de ses vastes compositions à sujets antiques, Bertin réalisa de nombreuses toiles s’inspirant de vues croisées dans les environs de Paris, à Arcueil ou Essonnes par exemple. Ces peintures, marquées par une apparente simplicité, dégagent une impression de calme et de silence et semblent avoir durablement influencé Régnier. Le quai de Gesvres qui s’étendait de la rue Saint-Martin à la place du Châtelet fut construit par Pierre Bullet entre 1676 et 1679. Il était soutenu par une galerie voûtée inondable afin de ne pas rétrécir le lit de la Seine. L’ensemble, appelé également quai ou canal des Cagnards, reliait le pont Notre-Dame et le pont au Change. Il accueillait les promeneurs pendant la journée, mais à la nuit tombée devenait le repaire des brigands. Régnier choisit de s’installer sous la voûte du tunnel pour peindre deux toiles en pendant. Pour passer d’une vue à l’autre, il n’eut qu’à déplacer son assise de quelques mètres ou à pivoter sur lui-même. De formats identiques, les deux œuvres se complètent par contraste. Pour la première des deux toiles, le peintre regarde en direction du pont et de la pompe Notre-Dame depuis le tunnel dont la voûte cintre la composition. La perspective du pont associée à la découpe complexe des piliers et des arches ménage un espace réduit au ciel dont le bleu complète l’ocre des pierres. Quelques personnages animent la scène et accentuent l’effet d’échelle : au premier plan, un homme assis est en train de pêcher pendant qu’un autre debout derrière lui le regarde en silence ; sur l’autre rive, une femme venue laver son linge s’approche d’un homme qui ne la voit pas encore ; enfin, sur le pont, un dernier personnage coiffé d’un chapeau est assis et nous tourne le dos. Tous ignorent la présence du peintre et évoluent en silence. Le musée Carnavalet conserve une autre version de cette composition, datée de 1816, dont la structure est identique, mais dont les détails changent le sens profond de l’œuvre. Au premier plan, un homme s’efforce de tirer une barque vers le quai alors qu’une femme semble ramasser sur le sol un cordage ; depuis l’autre rive, un chien aboie vers l’embarcation et sur le pont deux femmes discutent, le tout générant un ensemble de bruits qui contraste avec le calme de la scène précédente.

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