Antoine RIVOULON (1810-1864)

Le Grand Ferré, vers 1838-1840
Huile sur toile
32,5 x 41 cm

Le Grand Ferré est un héros populaire de la guerre de Cent Ans. Jeune paysan originaire de Rivecourt en Picardie, il était doté d’une force légendaire et se fit connaître pendant la Jacquerie du Beauvaisis en mai 1358. Le chroniqueur médiéval Jean de Venette rapporte que l’année suivante, il se distingua face aux Anglais en abattant quatre-vingt-cinq de ses adversaires, muni de sa seule hache. Réfugié dans les bois pour échapper à la traque des soldats anglais, le héros fut atteint de pneumonie. Affaibli par la maladie, il décida de retourner dans sa ferme pour se soigner. Prévenus, ses ennemis vinrent le chercher en pensant profiter de l’effet de surprise mais à leur arrivée et malgré l’épuisement, le Grand Ferré se leva pour saisir sa hache et tua cinq des soldats venus l’arrêter. Effrayés, les autres prirent la fuite tandis que le héros regagnait son lit pour y mourir peu après.  Moins célèbre que Guillaume Tell ou Robin des Bois, le personnage du Grand Ferré est popularisé par Jules Michelet dans le troisième tome de son Histoire de France en 1837. La vie de ce paysan rebelle, véritable incarnation du « peuple intervenant dans l’Histoire » attire l’attention d’Antoine Rivoulon, un jeune peintre romantique proche de Victor Hugo. 

Originaire de l’Allier, Antoine Rivoulon grandit à Paris et se forme à la sculpture et à la lithographie avant d’intégrer les ateliers des peintres Louis Hersent et Édouard Picot. En 1832, Rivoulon travaille dans la perspective du Salon sur une toile s’inspirant du roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris. Celle-ci est refusée par le jury. Accepté au Salon à partir de 1834, le jeune peintre connaît le succès avec La Charité de saint Martin qui est acquise par l’État en 1837. L’année suivante, Rivoulon semble se concentrer sur des sujets puisés dans la guerre de Cent Ans. La Reddition du château neuf de Randon et l’Arrestation de Charles-le-Mauvais par le roi Jean en 1356 illustrent des épisodes contemporains de la légende du Grand Ferré. Son interprétation du thème montre le héros picard en action. D’une main, ce dernier lève sa hache menaçant les soldats, tandis que de l’autre, il appuie sur la tête d’un Anglais recroquevillé à ses pieds. La chemise blanche du héros étrangement relevée par le peintre laisse visibles certaines parties de son anatomie. Techniquement, l’œuvre est comparable en de nombreux points avec la toile de 1832 illustrant quatre scènes de Notre-Dame de Paris et plus particulièrement avec l’épisode du Supplice de la Esméralda. Une même touche rapide et un chromatisme général fait de brun et de rouge relevé par la blancheur des chemises se retrouvent dans les deux compositions. La représentation caricaturale des figures et le traitement des armures sont également similaires. 

Malgré différentes médailles et plusieurs commandes officielles, Antoine Rivoulon connaît une carrière sans grand éclat. Son mariage en secondes noces avec la sœur du peintre Alfred Sisley le met cependant à l’abri du besoin. En 1864, le journal La Petite Revue annonce son suicide par empoisonnement au laudanum. Les raisons de son geste restent encore aujourd’hui inconnues.

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