Théodore CHASSÉRIAU (1819-1856)

Paolo et Francesca aux Enfers, 1840
Huile sur papier marouflé sur panneau
28 x 23,5 cm
Titré, signé, localisé et daté en bas à droite Canto V- /th. Chasseriau / Roma 1840

Vendu

Inscrit à l’École des Beaux-Arts dès 1830, Théodore Chassériau n’a que onze ans lorsqu’il rencontre Jean-Auguste-Dominique Ingres. Au départ de son maître pour Rome en 1834, Chassériau, trop jeune, ne peut l’accompagner. Lorsqu’il débute au Salon de 1836, ses premières œuvres sont marquées par l’influence de son maître mais montrent déjà une approche très personnelle de la couleur. Si la Vénus marine exposée en 1839 apparaît comme un hommage appuyé à Ingres, Suzanne au bain, présentée la même année, montre l’intérêt précoce du jeune artiste pour les œuvres d’Eugène Delacroix. 

À vingt-et-un ans, fort de ses premiers succès, Chassériau prend la route de l’Italie en compagnie du peintre Henri Lehmann. À Rome, il retrouve son maître alors directeur de la Villa Médicis. Pour témoigner de ce séjour, seules deux lettres écrites par l’artiste à son frère Frédéric nous sont parvenues. Chassériau y raconte ses divergences esthétiques avec Ingres et son désir de profiter de ce voyage pour réaliser le plus grand nombre possible d’études. Le Louvre conserve plusieurs carnets noircis de dessins en Italie et Marc Sandoz recense dans le catalogue raisonné de l’œuvre de Chassériau une vingtaine de peintures et d’études peintes pendant cette période. Réapparue en 2010, la petite huile sur papier représentant Paolo et Francesca aux Enfers est absente de cet inventaire publié en 1974. Annotée Canto V par l’artiste en référence au cinquième chant de L’Enfer de Dante, l’œuvre est localisée à Rome et datée de 1840. Le poète florentin, accompagné de Virgile, regarde passer les âmes enlacées du couple maudit. La figure nue de Francesca da Rimini, tête renversée vers l’arrière, évoque les modèles féminins ingresques. Elle s’accroche à Paolo, dont le visage est masqué par une épaisse chevelure brune. Les deux amants semblent flotter dans les limbes traités par le peintre en de larges touches blanches sur un fond gris. Ingres avait illustré dans la verve troubadour les amours funestes de Paolo et Francesca dès 1814. Chassériau s’éloigne de la vision de son maître et s’inspire davantage de l’approche romantique d’Ary Scheffer dans son tableau du Salon de 1835. Ce tournant esthétique entamé l’année précédente à Paris s’accélère à Rome et devient la principale source de conflit entre Ingres et son élève. 

Revenu en France, le peintre reçoit de nombreuses commandes puis voyage en Algérie sur les traces d’Eugène Delacroix. Au faîte de la gloire, Chassériau meurt prématurément à l’âge de trente-sept ans. L’étude pour Paolo et Francesca aux Enfers ne semble avoir jamais donné lieu à une toile de plus grande envergure mais témoigne d’une période de transition chez le peintre, encore influencé par l’élégance d’Ingres et déjà attiré par la fougue de Delacroix.

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