Charles-Auguste-Émile DURANT, dit CAROLUS-DURAN (1837-1917)

Vendu

La Tentation de saint Antoine, vers 1883
Huile sur carton
46 x 63 cm
Signé en bas à gauche Carolus Duran
Vendu

Charles-Auguste-Émile Durant naît à Lille en 1837. Fils d’un aubergiste, il se forme d’abord auprès du peintre François Souchon puis à seize ans s’installe à Paris et choisit le pseudonyme de Carolus-Duran. Ses premières œuvres exposées au Salon de 1859 sont influencées par le réalisme de Gustave Courbet et attirent l’attention d’Édouard Manet, Henri Fantin-Latour et Félix Bracquemond qui deviennent ses amis. Avant de se rendre en Espagne où il découvre Vélasquez, Carolus-Duran voyage en Italie entre 1862 et 1865. C’est à Rome qu’il trouve le sujet pour son tableau L’Assassiné, souvenir de la campagne de Rome exposé à son retour au Salon de 1866. La consécration vient deux ans plus tard lorsqu’il présente La Femme au gant, un grand portrait de son épouse Pauline Croizette. Le succès est tel que le peintre reçoit immédiatement de nombreuses commandes. Si le genre du portrait est très rémunérateur, il éloigne cependant Carolus-Duran du chemin de la modernité emprunté par ses amis. Le peintre impressionniste Camille Pissaro lui reproche de gâcher son talent en mondanités, tandis qu’Émile Zola reconnaît que Carolus-Duran « rend Manet compréhensible au bourgeois, […] en l’assaisonnant au goût du public. » Outre ces portraits auxquels il doit sa notoriété, le peintre expose des sculptures et quelques tableaux d’histoire ou d’inspiration religieuse. 

Au Salon de 1883, sa toile titrée Vision dans le livret tire son sujet de la Tentation de saint Antoine. Le saint homme, qui vécut entre le IIIe et le IVe siècle, choisit de se consacrer entièrement à la prière en se retirant dans le désert. Réfugié dans une grotte, Antoine le Grand subit les tentations du diable qui prend l’apparence de bêtes féroces ou sensuelles. L’histoire de ce moine ermite sert très tôt de prétexte aux peintres pour des œuvres allant du fantastique le plus hermétique au lubrique le plus assumé. Pour l’œuvre exposée au Salon, Carolus-Duran choisit de représenter le saint les bras écartés, face à l’apparition d’une femme entièrement nue. Bien que raillée par la critique officielle, cette interprétation du sujet ne pouvait que séduire une partie du public masculin. Sous la Troisième République, la nudité demeure tolérée tant qu’elle se cache derrière un titre respectable. Carolus-Duran prépare ou répète ce sujet avec des variations dans une œuvre où l’aspect esquissé confère une saisissante modernité.

Brossée rapidement à la peinture largement diluée sur une plaque de carton non préparée, la composition présente le moine agenouillé face à trois silhouettes féminines. Telles les trois déesses apparaissant à Pâris pour son célèbre Jugement, deux sont drapées alors que la troisième exhibe, comme Vénus, sa nudité. L’ensemble des figures au traitement fantomatique laisse une large place au paysage. Le peintre utilise la couleur ocrée du support qu’il relève de brun et de vert pour évoquer le relief et couvre de bleu et de blanc la mer et le ciel. L’œuvre, dont l’achèvement semble attesté par la signature de l’auteur, convoque le radicalisme de certains paysages d’Edgar Degas et la sensualité des peintures de Jean-Jacques Henner.