Salon du baron Feuillet de Conches, 1884
Huile sur toile
50 x 61 cm
Signé et daté en bas à gauche F. Cormon 84
Acquisition par le Virginia Museum of Fine Arts, Richmond
Ferdinand Anne Piestre se forme à la peinture auprès de Jean-François Portaels à Bruxelles avant d’intégrer l’atelier d’Alexandre Cabanel puis celui d’Eugène Fromentin à Paris. Rapidement, le jeune artiste adopte le pseudonyme de son père, l’écrivain Eugène Cormon, et simplifie son prénom en Fernand. En 1863, Cormon expose pour la première fois au Salon où il obtiendra régulièrement des médailles. La critique remarque tout particulièrement Jalousie au Sérail en 1874 et La Mort de Ravana en 1875. Primé lors de l’Exposition universelle de 1878, Cormon se voit décerner la Légion d’honneur en 1880, année où il dévoile son chef-d’œuvre, Caïn. Au cours des années 1880, l’atelier qu’il ouvre boulevard de Clichy voit passer Toulouse-Lautrec, Van Gogh ou encore Émile Bernard.
En 1884, Cormon a déjà vu sa carrière couronnée de multiples succès. Cette reconnaissance et la fréquentation des élites parisiennes permettent au peintre de rencontrer Félix-Sébastien Feuillet, dit le baron Feuillet de Conches. Ce dernier, retraité depuis dix ans, occupait auparavant diverses fonctions au sein du Ministère des Affaires étrangères mais était aussi un collectionneur et un bibliophile reconnu. Si une grande partie de sa collection est vendue en 1873 et en 1875 à Londres, Feuillet conserve encore de très belles pièces dont La Lettre d’amour de Fragonard. Lorsqu’il commande à Cormon une toile représentant son salon, cette œuvre est encore accrochée aux murs de son appartement de la rue Neuve-des-Mathurins. Cet intérieur, typique d’un curieux du XIXe siècle, propose un accrochage dit « en tapisserie ». Les œuvres aux murs témoignent du goût de leur propriétaire pour le genre du portrait. Le décor est saturé par la couleur rouge largement dominante et seuls les cadres dorés et le centre du tapis, d’un vert puissant, permettent au tableau d’échapper à l’impression de monochromie. On distingue encore un imposant lustre dont le cristal réfléchit la lumière du jour, un buste sculpté sur le manteau de la cheminée, ou encore, parmi les boîtes sur la table, un bronze qui semble représenter un baiser. En plus de l’intérêt que Feuillet porte à la peinture, sa collection se compose surtout de lettres autographes aux paraphes prestigieux. Feuillet fut suspecté, à raison, d’être l’auteur des plus illustres d’entre-elles.
Le Salon du baron Feuillet de Conches réunit donc deux personnalités importantes de la IIIe République : l’un des principaux peintres de l’époque, à la notoriété devenue aujourd’hui confidentielle, et un homme de lettres à la remarquable carrière de fonctionnaire mais dont l’activité de faussaire en autographe ternit durablement la réputation.