Jean Pierre GRANGER (1779-1840)
Portrait présumé de Sophie Adélaïde Granger (1797-1842), 1815
Huile sur toile
91 × 71,5 cm
Signé et daté en bas à droite jpgranger/1815
Vendu
De retour en France en 1813 après un séjour de presque sept années en Italie, Jean Pierre Granger peut enfin profiter de son statut d’ancien lauréat du grand prix de peinture et reçoit ses premières commandes. Bien que resté à Rome, Ingres conserve sur le travail de son ami une indéniable influence dont témoigne cette paire de portraits peints en 1815. Ces deux toiles représentent probablement le frère du peintre, Charles Marie Granger et sa jeune épouse Sophie Adélaïde Roche. Ces œuvres entrent en résonance avec la paire de portraits peints par Ingres à Rome en 1811, figurant Edme Bochet et sa sœur Cécile, dite madame Panckoucke.
Si les deux hommes portent des costumes sombres assez similaires avec chapeau sous le bras et châtelaine à la ceinture, les deux femmes, hormis un cadrage identique, offrent moins de points de comparaison. La mode féminine évoluant plus rapidement que celle de la gent masculine, leurs toilettes respectives montrent des différences notables. L’élégance légère de madame Panckoucke, typique de la fin de l’Empire, laisse place chez la jeune madame Granger à une austérité plus hivernale. Les bras se couvrent de manches longues, la poitrine dégagée est subtilement masquée par une guimpe de mousseline et le châle rouge sûrement en cachemire, bien que vif, est dénué de motifs. Coiffée d’un diadème de perles, le visage du modèle se détache d’une imposante fraise en dentelle. Cet ornement de cou à la mode au xviie siècle connaît un retour en grâce depuis la fin du xviiie siècle et s’impose largement, mais brièvement, après la chute de Napoléon. Parallèlement au succès du style troubadour en peinture qui montre les personnages du règne d’Henri IV et de Marie de Médicis sous leurs plus beaux atours, la haute société parisienne, à l’image de la duchesse de Berry, arbore cet épais collier blanc comme signe d’une adhésion légitimiste au retour des Bourbons sur le trône.
Nous ne savons que peu de choses sur la vie de Charles Marie Granger et de son épouse. Installé au 4 quai des Orfèvres, le frère du peintre reçoit son poinçon de maître en 1810 et conçoit un certain nombre de pièces aujourd’hui identifiées par sa marque, au moins jusqu’au début des années 1820. De son côté, Jean Pierre Granger, même s’il n’atteint jamais à la notoriété d’Ingres, participe régulièrement au Salon où il est récompensé à trois reprises en 1812, 1817 et 1820. Certaines de ses œuvres sont visibles dans des églises parisiennes, telle son Adoration des Mages, peinte pour Notre-Dame-de-Lorette en 1833. Après la mort du peintre en 1840, sa fille Palmyre épouse le romancier et dramaturge Paul Meurice en 1843. Ingres, qui s’est attaché à la jeune fille, fut l’un des témoins de leur mariage et fit son portrait dessiné, aujourd’hui conservé à la maison Victor Hugo à Paris.