Théodore CHASSÉRIAU (1819-1856)

Études de lyres pour le tableau Apollon et Daphné,vers 1844
Encre brune et mine graphite sur papier 
28,5 × 21,8 cm
Provenance : collection Véronique et Louis-Antoine Prat, cachet de leur collection en bas à droite (L.3617)

Théodore Chassériau naît sur l’île de Saint-Domingue en 1819. Son père, diplomate français en Amérique du Sud, étant souvent absent, Théodore est placé sous la tutelle de son frère aîné à Paris en 1822. À onze ans, il est inscrit à l’École des beaux-arts et rejoint l’atelier de Jean Auguste Dominique Ingres jusqu’au départ de ce dernier pour Rome en 1835. Trop jeune et sans finance suffisante pour suivre son maître, il doit attendre l’année 1840 et ses premiers succès au Salon pour découvrir l’Italie en compagnie d’Henri Lehmann, son ancien camarade d’atelier. Ses relations avec Ingres se compliquent pendant ce voyage et les deux hommes se brouillent définitivement. À son retour, Chassériau se rapproche d’Eugène Delacroix, sans renier pour autant l’enseignement de son premier maître dont on perçoit encore l’influence dans les fresques qu’il réalise en 1843 pour l’église Saint-Merri.

Au cours de l’année suivante, le jeune peintre travaille à une composition inspirée par les Métamorphoses d’Ovide. L’épisode choisi est celui où Apollon poursuit la nymphe Daphné qui, se refusant à lui, demande à son père de la changer en laurier pour lui échapper. La toile montre la jeune femme nue au moment de sa transformation. À ses pieds, le dieu des arts sous les traits d’un bel éphèbe blond est habillé de rouge et porte dans son dos une lyre. Pour cette œuvre, Chassériau réalise plusieurs dessins d’études dont au moins cinq sont conservés au Louvre. Une autre feuille, à l’encre et au crayon, montre que l’artiste a longtemps hésité sur la forme de l’instrument porté par Apollon. Si l’on retrouve, esquissée, la silhouette du dieu agenouillé, aucune des six lyres tracées sur cette page n’a finalement été retenue par le peintre. La toile n’est pas présentée au Salon, mais exposée dans le foyer de l’Odéon pour sa réouverture en 1845, au côté d’œuvres de Delacroix, Granet, Isabey et Corot parmi d’autres artistes célèbres du temps. Chargé par le journal La Presse de rendre compte de l’évènement, Théophile Gautier écrit au sujet de la toile, le 17 novembre 1845, qu’elle « se distingue par la grâce étrange, le goût gréco-indien qui font du jeune peintre un artiste à part ».

En 1846, fasciné par l’Orient dont l’influence transparaît déjà dans ses œuvres, Chassériau se rend en Algérie sur l’invitation du calife de Constantine. Revenu en France, le peintre reçoit de nombreuses commandes officielles et privées. Au faîte de la gloire, il meurt prématurément à l’âge de trente-sept ans. La toile d’Apollon et Daphné dont l’influence peut se ressentir dans les œuvres de Gustave Moreau sera léguée au Louvre par le baron Arthur Chassériau, mécène et petit cousin du peintre, en 1934.

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