Julien Léon Ovide SCRIBE (1841-1909)
L’Arbre aux grotesques, 1884
Aquarelle et encre sur papier
52,8 × 34,5 cm
Signé et daté en bas à gauche ov scribe 1884.
Vendu
Ovide Scribe est un artiste insaisissable. Né en 1841, dans une famille de juristes de la Somme, il fait ses études dans un lycée de Reims avant de s’installer à Paris. Selon ses dires, à dix-huit ans, il fréquente l’atelier du peintre Félix Boischevalier qui le présente à Ingres en 1862. Le vieux maître de Montauban, âgé de quatre-vingt-deux ans, lui aura au mieux donné quelques conseils polis et bienveillants. Malgré cela et longtemps après la mort de l’intéressé, Scribe n’hésitera pas à citer le nom d’Ingres parmi ses maîtres lorsqu’il exposera au Salon. En 1868, ne parvenant pas à vivre de son art, l’artiste quitte la capitale pour trouver refuge à la Ferté-Saint-Cyr, petite ville de Sologne. De cette époque datent ses premières expériences de céramiste à l’imitation des maîtres italiens de la Renaissance. De son propre aveu, il s’inspire de gravures anciennes « copiables de plein droit », dont il reprend les traits tandis qu’il laisse libre cours à son imagination pour la mise en couleurs. Entre 1877 et 1883, Scribe ne présente plus au Salon que des faïences ou des émaux sur ce principe en précisant ses modèles : Michel-Ange, Raphaël ou Botticelli. Puis, sur les conseils d’un ami, il déménage en 1880 à Romorantin dans l’ancien moulin de la ville où il construit un four pour la cuisson de ses œuvres. Là, il accepte le poste de professeur de dessin au collège municipal et crée en 1882 le musée de Romorantin dont il devient le premier conservateur. Pour des raisons difficiles à déterminer, Scribe va durant dix années abandonner la céramique et se consacre exclusivement au dessin. Une aquarelle de 1884 témoigne de sa liberté et de toute sa fantaisie.
Tracée sur une grande feuille à la découpe irrégulière, elle articule de nombreux personnages et animaux aux sources variées pour composer un vase en forme d’arbre imaginaire. Si l’œuvre évoque l’art fantastique de Jérôme Bosch ou celui des peintres à grotesques du xvie siècle, la présence d’un militaire et d’un gendarme dos à dos, au sommet du tronc, atteste qu’il ne s’agit pas ici d’une copie, mais d’une pure invention. Parmi la foule des figures, on peut identifier un moine, une nourrice, des saints Sébastien, des brigands médiévaux et, entre autres, une jeune femme prenant son bain. Ces derniers côtoient et se mêlent à un bestiaire foisonnant de biches, de chiens, d’oiseaux et de chimères représentés pour partie ou entièrement. Ce type d’iconographie renvoie à certaines traditions mystiques orientales à l’image de l’arbre Zaqqoum musulman ou de l’arbre Waq-Waq des artistes persans. Tous deux peuvent se décrire comme des végétaux zoomorphes, dont les feuilles, les fleurs et les fruits sont remplacés par des têtes d’animaux réels ou imaginaires.
Après 1893, date à laquelle Scribe se fait construire un nouveau four, sa production de céramiques reprend plus foisonnante que jamais. En 2009, le musée de Sologne, à Romorantin-Lanthenay, a consacré une rétrospective à ce peintre aussi attachant que singulier.