Léopold Armand HUGO (1828-1895)
Vue de la tour Eiffel et de l’Exposition universelle de 1889, vers 1889
Huile sur toile
38 × 46 cm
Signé en incise en bas à droite L. HUGO
Annoté sur le châssis Léon Daudet / à mon cher neveu à la mode de Nantes / (pas Mantes) / L. Hugo
Léopold Hugo est le fils d’Abel-Joseph Hugo, frère aîné du célèbre Victor, et de Julie Duvidal de Montferrier. Né à Paris en 1828, il se forme au dessin avec sa mère, une artiste confirmée, avant d’entrer à l’École des mines où il se spécialise en géométrie. Une fois ses études terminées, Léopold se passionne pour les équidomoïdes, une forme déjà étudiée par Archimède, mais qu’il rebaptise sans modestie les « hugodomoïdes ». Véritable touche-à-tout excentrique, Léopold Hugo se définit lui-même tour à tour comme explorateur, mathématicien, scientifique, musicien, architecte, sculpteur et peintre. Les livrets du Salon nous confirment qu’il expose officiellement à trois reprises : un Autoportrait en marbre en 1874, une deuxième sculpture titrée Electryon en 1877 et des dessins d’architecture pour un Projet de palais européen pour l’Association internationale africaine en 1885. Pour ces deux premières participations, « l’artiste » se présente, dans le livret, comme « élève d’Horace Vernet ». La formule est sûrement abusive, mais Léopold y tient et n’hésitera pas à faire référence à ce maître dans certains de ses autoportraits loufoques en accrochant son effigie au mur. Sur ces œuvres, dont nous ne connaissons que des gravures par lui-même ou par Rose Maury, Léopold se met en scène à plusieurs reprises devant un chevalet. Un exemple unique de son activité de peintre vient d’être redécouvert.
Cette toile représente une vue de Paris, son fleuve, ses rives et ses monuments emblématiques au moment de l’Exposition universelle de 1889. Installé au-dessus de la Seine, probablement sur le pont des Invalides, le peintre trace en brun, avec une touche hâtive qui ne fait qu’évoquer les détails, les architectures qui font alors rayonner la capitale. La tour Eiffel, exagérément effilée, rompt la surface d’un ciel blanc rayé d’orangé par un soleil descendant. Elle domine la composition aux côtés du palais du Trocadéro, construit pour l’Exposition de 1878, et de l’éphémère passerelle du pont de l’Alma visible sur la gauche. D’un geste enfantin, Léopold suggère les péniches du bout de ses doigts enduits de peinture brune.
Au revers, l’œuvre porte une dédicace à l’écrivain et journaliste, Léon Daudet : à mon cher neveu à la mode de Nantes / (pas Mantes) / L. Hugo. Au xixe siècle, l’expression « à la mode de Bretagne » (et donc de Nantes au sens historique) signifiait un lien de parenté éloigné. Léon Daudet ayant épousé Jeanne Hugo, la petite fille de Victor, en 1891, l’auteur de l’œuvre et le dédicataire étaient effectivement parents par alliance. Le sens du jeu de mots relatif à Mantes, au-delà de la sonorité, reste plus obscur. Dans ses Souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux, publiés en 1920, Léon Daudet décrit Léopold Hugo : « C’était un personnage aux gros yeux globuleux, grisonnant, représentant à lui tout seul une encyclopédie de connaissances inutiles, un peu peintre, un peu sculpteur, un peu mathématicien, un peu métaphysicien. Doux et modeste comme une bête à bon Dieu […]. »