Georges LAPORTE (1845-1926)

Portrait-charge de Sarah Bernhardt, vers 1900
Plâtre peint
20 × 12,5 × 11,5 cm
Titré à gauche Sarah Bernhardt
Signé à droite Georges Laporte

En cours d’acquisition par le Département des arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France, Paris

L’immense célébrité de l’actrice Sarah Bernhardt (1844-1923) fit d’elle une cible privilégiée des caricaturistes. En premières pages des journaux satiriques de l’époque, les dessinateurs du Charivari, du Grelot, ou de L’Éclipse n’hésitaient pas à tourner en dérision ses qualités artistiques, son physique, mais également ses origines juives, en particulier durant l’affaire Dreyfus. En dehors des publications à gros tirage, d’autres artistes comme André Gill ont pu s’amuser à se moquer de la comédienne sur la toile. Moins connue pour ses talents de sculptrice, Sarah Bernhardt avait su se faire une place dans cette discipline en exposant à maintes reprises ses œuvres au Salon, entre 1874 et 1897. Pour l’édition de 1883, elle présente deux sculptures, une statuette en terre cuite représentant un bouffon et un buste en plâtre titré Henriette. Près d’elle, Georges Laporte, un sculpteur totalement inconnu de trente-huit ans, participe au Salon pour la deuxième fois. 

Originaire de Tonneins, petite ville située au cœur du Lot-et-Garonne, Georges Laporte grandit à Mézin et fait ses études à Bordeaux avant de gagner la capitale où il entre dans l’atelier du peintre et graveur Jules-Gabriel Levasseur. Nous ne savons que peu de choses sur sa vie personnelle et sur sa carrière parisienne hormis ses cinq participations à la section sculpture du Salon entre 1882 et 1896 avec des bustes et des portraits en médaillon. Rien dans le titre de ses œuvres n’indique qu’il puisse s’agir de caricatures. Lors de sa participation à l’exposition de la Société des amis des arts de Lyon en 1884, il choisit deux petits bustes aux noms humoristiques plus évocateurs : Cause perdue et Cause gagnée. Après 1896, l’artiste quitte la scène publique. Réfugié au château de Montesquieu à la Réaup-Lisse, il continue de travailler pour lui-même jusqu’à sa mort en 1926. La redécouverte de son fonds d’atelier, il y a quelques années, a fait réapparaître un impressionnant ensemble de petits modèles en plâtre sculptés en haut relief et peints, qui tous se moquent gentiment des personnalités publiques de son temps. Aux côtés de Georges Clemenceau, Émile Zola, Aristide Briand, ou du président Armand Fallières (natif de Mézin), trône la grande Sarah. Représentée en buste et se détachant sur un fond gris, l’actrice à la chevelure argentée est affublée d’un nez monumental. Elle porte un costume noir à haut col surmonté d’une fraise et des fleurs accrochées aux épaules. La bouche entrouverte, elle s’apprête à déclamer, avec sa rythmique légendaire, des vers d’Alfred de Musset ou d’Edmond Rostand. 

Georges Laporte a laissé quelques notes de sa main où il se revendique ouvertement royaliste. Ses positions politiques peuvent expliquer le grand nombre de députés et de ministres représentés dans son panthéon satirique. Parlant de lui-même, il écrit : « J’ai persiflé, égratigné, moqué des personnages et des institutions » et, reprenant une tirade de Cyrano, il ajoute : « J’aurais pu voir s’étaler sur mon pourpoint en d’amusantes taches le fiel des envieux et la bave des lâches ».