Eugène ISABEY (1803-1886)
Bateau échoué sur les rochers, vers 1840
Aquarelle sur papier
12,5 x 23,4 cm
Vendu
Fils du peintre Jean-Baptiste Isabey, le plus célèbre miniaturiste et décorateur de l’Empire, Eugène naît et grandit au Louvre – où sa famille est installée –, entouré par les meilleurs artistes du temps. Cet environnement ne l’incite pas pour autant à suivre cette voie car le jeune homme développe très tôt une passion pour les bateaux et veut devenir marin. Eugène finit cependant par céder aux injonctions de son père et entame une carrière artistique. Fréquentant Delacroix, Bonington et les cénacles romantiques, il s’illustre même comme l’un des meilleurs peintres de sa génération. Ses premiers désirs déçus trouvent un exutoire dans la peinture de marine. Dès 1820, il se rend en Normandie et découvre Étretat et Honfleur. Il y séjourne régulièrement, arpentant les côtes en compagnie de Camille Roqueplan et Xavier Leprince à la recherche de motif. Eugène Isabey débute au Salon de 1824 où il expose trois toiles inspirées par les paysages normands. Vue de la plage d’Honfleur, Intérieur du port de Trouville et Ouragan devant Dieppe connaissent un grand succès et lui valent une médaille d’or décernée par le jury.
Nommé peintre officiel de la Marine en 1830, Eugène Isabey part pour l’Afrique et découvre l’Algérie. Durant son voyage il privilégie l’aquarelle, technique dans laquelle il excelle, pour retranscrire les sites qu’il découvre. Probablement réalisée au tournant des décennies 1830 et 1840, une aquarelle représentant un bateau échoué sur des rochers permet d’étudier la technique de l’artiste. Ici le sujet ne laisse que peu de place à la mer qui occupe une portion congrue de la feuille à droite, coincée entre ciel et roche. Pris horizontalement, le support est divisé en deux parties, de gauche à droite, par la diagonale. La texture des pierres au premier plan, traitée en camaïeu de brun relevé de bleu, s’éclaire par un jeu de grattage qui altère la surface lisse du papier. Plus loin, l’artiste joue de transparence pour illuminer les reliefs de la côte crayeuse et ouvrir le ciel. Légèrement décentré sur la droite, un bateau à deux mâts, sans voile, est accroché aux récifs. Malgré le format réduit de l’œuvre, Isabey parvient à détailler avec précision le moindre cordage du vaisseau et évoque les marins par de minuscules touches bleues. Aucun élément ne permet de localiser cette vue avec précision, mais elle semble s’intégrer dans le corpus des œuvres inspiré par la Normandie.
Artiste accompli et reconnu, Isabey reçoit volontiers dans son atelier parisien les paysagistes de la nouvelle génération, à l’image d’Eugène Boudin, auquel il prodigue de nombreux conseils. Qu’elles soient peintes ou dessinées, ses œuvres annoncent l’Impressionnisme. L’apparente spontanéité de sa technique et la vivacité de ses tons ont influencé des peintres tels que Claude Monet et Alfred Sisley.