Louis HERSENT (1777-1860)

Las Casas malade soigné par les sauvages,1808
Huile sur toile
53,8 x 64,6 cm
Exposition : Salon de 1808, hors livret ; Salon de 1814, n° 509
Provenance : collection particulière américaine, Normandie

Encyclopédiste, grammairien et poète, Jean-François Marmontel (1723-1799) publie en 1777 un roman intitulé Les Incas, ou La destruction de l’empire du Pérou qui raconte l’histoire d’amour entre Cora, une jeune Inca et Alonso, un beau conquistador espagnol. Ce grand ami de Voltaire a réuni une très importante somme de documents pour mener à bien l’écriture de son livre notamment les travaux d’un prêtre espagnol : Bartolomé de Las Casas (1474 ou 1484-1566). Ce missionnaire dominicain est resté célèbre pour avoir défendu les droits des Amérindiens pendant la colonisation espagnole. L’ouvrage de Marmontel connaît un succès retentissant dans toute l’Europe, sauf en Espagne où il est interdit par l’Inquisition. Il participe d’une mode pour l’exotisme qui se développe particulièrement dans la France des Lumières avec la parution du roman Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre, publié onze ans plus tard, et celle de l’Atala de Chateaubriand en 1801.

Né l’année de la sortie du livre de Marmontel, Louis Hersent choisit pour sa participation au Salon de 1808 de s’inspirer directement d’un passage du texte. Deux ans plus tôt, ce fils de graveur et ancien élève de Jacques-Louis David et de Jean-Baptiste Regnault avait déjà présenté deux toiles témoignant de son intérêt pour ce type de sujet : Atala s’empoisonne dans les bras de Chactas, et Le Tombeau aérien, coutume américaine. Alors qu’à son tour Girodet expose une toile inspirée par Chateaubriand en 1808, Atala au tombeau, Hersent présente Las Casas malade soigné par les sauvages. Plongé dans la pénombre d’une pièce éclairée par une unique bougie, le vieux prêtre est allongé, visiblement souffrant, sur unlit. Au- tour de lui, un couple d’Indiens du Pérou le veille. Au centre, l’épouse du chef indien tend son sein vers la bouche du ma- lade pour l’allaiter. Sur la gauche, l’homme, que Marmontel nomme Henri, représenté de profil, évoque étrangement un membre de la famille Bonaparte. Ses traits et son front haut pourraient renvoyer plus précisément à Joseph Bonaparte qui vient de monter sur le trône d’Espagne au mois de mai de la même année. L’association de la figure du nouveau roi avec celle du chef indien soignant Las Casas semble avoir une intention politique difficile à interpréter aujourd’hui. Véritable transposition exotique du thème antique de la charité romaine, l’œuvre apportée tardivement par l’auteur est ab- sente du livret du Salon, mais est reproduite en gravure au trait par Landon dans les Annales du musée et de l’école moderne des Beaux-Arts de 1808. Présentée une seconde fois au Salon en 1814, la composition d’Hersent est une nouvelle fois très remarquée par la critique qui salue la qualité de l’œuvre et la haute valeur morale du sujet. Pour le Salon de 1824, le graveur Pierre Adam reproduit la composition dans un cadrage légèrement élargi sur la gauche et la droite.

Après cette date, la toile semble totalement disparaître jusqu’à sa récente redécouverte. Une copie de l’œuvre fut exposée une première fois à Cleveland en 1975 pour l’ex- position The European Vision of America puis en 1993 pour l’exposition consacrée à Louis Hersent au musée de la Vie romantique à Paris. À ces deux occasions, la copie fut reproduite en lieu et place de l’original.

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