Léon BONNAT (1833-1922)

Binocle, vers 1881
Crayon sur papier
14 x 16,3 cm 
Signé en bas à droite L. Bonnat

En cours d’acquisition par le Musée Bonnat Helleu, Bayonne

Originaire de Bayonne, Léon Bonnat passe une partie de son enfance en Espagne avec sa famille. À Madrid il peut découvrir la peinture et prendre ses premières leçons dans l’atelier de Federico de Madrazo. Plus tard, il devient l’élève de Léon Cogniet à Paris et participe au concours du Prix de Rome. Lauréat du second Grand Prix en 1857, il ne peut gagner l’Italie qu’avec l’aide financière de sa ville natale. À Rome, la découverte de l’architecture et des maîtres de la Renaissance lui inspire plusieurs de ses premières œuvres. Sa peinture restera imprégnée tout au long de sa carrière par la manière monumentale de Michel-Ange dont il a admiré le plafond dans la chapelle Sixtine. Pendant son séjour en Italie, il fréquente Edgar Degas, Gustave Moreau et Carolus-Duran. Dès son retour à Paris, il participe assidûment au Salon et ouvre son atelier en 1865. D’abord spécialisé dans la peinture religieuse, Bonnat trouve la gloire dans l’art du portrait. À partir de la fin des années 1870, personnalités politiques, intellectuels et membres de la haute société se pressent dans son atelier, d’Adolphe Thiers à Victor Hugo en passant par Alexandre Dumas et le président Jules Grévy. Si ses portraits peuvent paraître aujourd’hui austères, l’artiste ne l’était peut-être pas toujours autant. 

En 1881, année où le jeune Toulouse-Lautrec vient se former dans son atelier, Léon Bonnat est élu à l’Académie des Beaux-Arts en remplacement de son maître Léon Cogniet. Les dessins de Bonnat sont rares mais comme certains de ses amis académiciens, Henner par exemple, l’artiste n’a pas pu résister à l’envie de noircir les feuillets mis à sa disposition durant les longues séances de l’Institut. Sur une feuille presque carrée, il réalise alors un petit dessin aussi brillant qu’amusant. Dégagé sur la réserve du papier par un jeu complexe de hachures qui l’entourent, un binocle pince-nez est représenté par Bonnat, dans sa taille réelle. Le binocle, sorte de paire de lunettes sans branches qui se fixe sur le nez au moyen d’un ressort, fut un accessoire aussi utile pour ceux qui n’y voyaient rien, que symbolique pour ceux qui voulaient paraître plus érudits. Les lunettes, lorgnons et binocles sont rares dans les portraits peints par Léon Bonnat, et à priori totalement absents dans ses autoportraits.

 Âgé de quarante-huit ans à l’époque de ce dessin, l’artiste avait peut-être encore une très bonne vue ou préférait-il, par simple coquetterie, ne pas affubler ses portraits de ces optiques. Rien ne dit que ce binocle lui appartenait. Il pouvait être à un ami, à un visiteur ou à un voisin de table  lors d’une réunion interminable durant laquelle Bonnat aura su tuer le temps en se servant de l’objet comme modèle. Ce binocle, posé sur la feuille, semble avoir été simplement détouré avec la pointe du crayon.