Eugène CARRIÈRE (1849-1906)

L’Appel de Samuel, 1876
Gouache sur papier
39 x 51 cm 
Annoté sur un papier collé au verso : Eugène Carrière / Maquette du sujet de la montée en « Loge » / de l’Artiste pour le prix de Rome / Sujet : Samuel et le prophète Elie [sic]/ Hommage à son frère aîné Gustave Carrière 

Issu d’un milieu modeste, Eugène Carrière passe son enfance et sa jeunesse à Strasbourg. Il y fréquente à partir de 1862 l’école municipale de dessin et, dès 1864, est placé comme apprenti chez un lithographe industriel. En 1869, contre l’avis de son père, il s’installe à Paris et entre dans l’atelier de Cabanel puis à l’École des Beaux-Arts en 1873. Trois ans plus tard, il échoue au Prix de Rome et expose pour la première fois au Salon. Cette gouache date de cette époque mais ne constitue pas, contrairement à ce qui est indiqué au verso, la maquette pour la montée en loge de l’artiste pour le Prix de Rome. En 1876, le véritable sujet auquel Eugène Carrière doit se confronter est celui de Priam aux pieds d’Achille et non « Samuel et le prophète Elie [sic] » comme précisé au verso. 

Cette œuvre, qui doit constituer un exercice d’atelier ou une esquisse personnelle, s’inspire d’un passage de l’Ancien Testament. Samuel, jeune homme éduqué par le grand prêtre d’Israël, Éli, entendit, pendant la nuit, une voix. Par trois fois cette voix l’appela. Samuel pensait qu’il s’agissait de celle d’Éli et à chaque fois accourait auprès de lui. Alors le grand prêtre comprit que c’était le Seigneur qui appelait l’enfant et il lui dit « Va te recoucher, et s’il t’appelle, tu diras : “Parle, Seigneur, ton serviteur écoute.” ». Eugène Carrière respecte scrupuleusement le texte pour mettre en place la scène sur la feuille. Sous les traits d’un adolescent, Samuel est représenté assis sur son lit au premier plan de la composition, alors qu’Éli, dont la longue barbe marque les années, dort dans une seconde pièce visible derrière un rideau ouvert. Pour le décor, l’artiste s’inspire des monuments de l’antiquité égyptienne : larges colonnes polychromes surmontées de chapiteaux lotiformes et plafond peint à caissons ; alors que pour le mobilier il puise dans l’iconographie gréco-romaine : un lit à col de cygne et une lampe en bronze entourée d’un serpent. 

Cette œuvre surprenante et colorée apparait bien éloignée de la production postérieure de l’artiste. L’influence de son maître Alexandre Cabanel et celle du goût dominant pour l’historicisme s’y ressentent encore. Très vite, Eugène Carrière devient célèbre pour ses toiles traitées systématiquement dans un camaïeu de brun sépia. Ce rare témoignage des années de formation du peintre porte au revers la mention « Hommage au frère aîné Gustave Carrière ». Nous ne savons que très peu de choses sur ce frère, né en 1841 à Lille, qui devint peintre décorateur et doreur à Strasbourg. 

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