Louis-Gabriel MOREAU, dit MOREAU l’Aîné (1740-1806)

Paysage normand, vers 1780-1790
Huile sur papier 
18 x 22,5 cm
Porte une inscription au revers L. Moreau

Acquisition par la Fondation Custodia



Louis-Gabriel Moreau est le fils d’un artisan perruquier parisien qui pratiquait également la peinture en amateur. Avec son frère cadet, le dessinateur et graveur Jean-Michel Moreau, il apprend les balbutiements du métier d’artiste auprès de son père. Pour distinguer les deux frères, on les surnomme respectivement Moreau l’Aîné et Moreau le Jeune. Par la suite, il semble que l’Aîné ait suivi les enseignements du védutiste Pierre-Antoine Demachy. À vingt-et-un ans, Louis-Gabriel participe pour la première fois à l’exposition en plein air dite de la Jeunesse, place Dauphine. De son maître, il retient la parfaite maîtrise de la gouache et de l’aquarelle ainsi qu’une affection particulière pour les vues de Paris. N’ayant pu être reçu à l’Académie royale de peinture et de sculpture, le jeune artiste rejoint l’Académie de Saint-Luc à Paris. Dès lors, il enseigne à son tour et participe régulièrement au Salon de la Correspondance accessible aux artistes qui ne font pas partie de l’Académie. Au cours des dernières années de l’Ancien Régime, Moreau reçoit la protection symbolique du comte d’Artois, frère du roi Louis XVI et bénéficie d’un logement au Louvre. S’il ne rencontre pas le même succès critique que son jeune frère, il semble qu’il séduise un grand nombre de collectionneurs et n’ait aucune difficulté à vendre ses œuvres.

Principalement paysagiste, Louis-Gabriel Moreau parcourt la France en quête de nouveaux motifs. L’analyse de son œuvre atteste d’une prédilection particulière pour Paris et sa région, mais suggère également plusieurs voyages en Normandie et probablement en Provence. Rien ne montre cependant qu’il ait visité l’Italie ou d’autres régions d’Europe. Au-delà de l’influence de son maître, ses œuvres à l’huile démontrent une connaissance approfondie des peintres hollandais tels Jacob van Ruisdael et Jan van Goyen. Le résultat de ces recherches est particulièrement visible dans une huile sur papier de petit format réalisée pendant le dernier quart du XVIIIe siècle. Comme souvent chez Moreau, la ligne d’horizon est placée très bas dans la composition et laisse une large place au traitement du ciel chargé de nuages. Le premier plan, traité dans un jeu de bruns, de verts et d’ocres, est animé de minuscules figures tracées rapidement. Des falaises sur la droite dominent un estuaire et répondent à une fabrique qui se détache sur un fond de mer. Le geste sûr et énergique associé au choix d’un support léger peut suggérer un travail commencé sur le motif à l’occasion d’un séjour en Normandie. L’approche sensible de Moreau pour la lumière atmosphérique dans cette œuvre l’éloigne des préoccupations des paysagistes français de son époque et font de lui un précurseur du paysage romantique tel qu’il se développera dans les toiles de Paul Huet et des peintres anglais du début du XIXe siècle. 

À la faveur de la Révolution, Louis-Gabriel Moreau gagne le droit d’exposer au Louvre et obtient un poste de restaurateur et conservateur dans le musée nouvellement créé. Il participe au Salon jusqu’en 1804 et fait graver certaines de ses créations. Moreau meurt en 1806 sans avoir jamais reçu l’agrément de l’Académie. Il faudra attendre 1923 pour que Georges Wildenstein lui consacre un ouvrage détaillé qui aujourd’hui encore reste le travail le plus complet sur l’œuvre de ce peintre injustement oublié. 

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