Camille SAIN (1803-1869)

La Fonderie Blumenstein à Vienne, vers 1855
Huile sur toile
65 x 81 cm
Signé et daté en bas à droite C. Sain 185[?]

En cours d’acquisition

Installée depuis le XVIIIe siècle dans la vallée de la Gère (Isère), à proximité de Vienne, la fonderie connue sous le nom « Blumenstein » est la première industrie à s’implanter dans la vallée du faubourg Pont-Évêque, en dehors des remparts et des portes de la ville de Vienne. Au milieu du XIXe siècle, Camille Sain représenta l’usine en brique, ainsi que le paysage vallonné et boisé où elle se trouve. Les fenêtres de l’industrie, dont certains carreaux ont été brisés, laissent entrevoir les inquiétantes flammes du fourneau. De la cheminée s’échappe une fumée noire, comme pour indiquer l’intense activité du site. Les bâtiments de l’usine sont eux bordés par la Gère que les ouvriers peuvent traverser par un pont en bois. Sur les hauteurs, quelques maisons bourgeoises, dont peut-être celle du propriétaire des lieux, contrastent avec le milieu ouvrier représenté en bas de cette scène dauphinoise.

Camille Sain est né en 1803 au sein d’une famille de notables viennois : son père Jean-Marie est chirurgien et sa mère est née Almeras la Tour, un patronyme connu des Isérois de l’époque. D’autres parents du peintre sont passés à la postérité, comme son frère, le vicomte Prosper Sain-d’Arod (1814-1887), compositeur nommé maître de chapelle de l’église Saint-Sulpice à Paris dans les années 1860, ou encore son oncle maternel Louis Almeras (1768-1828), général de division fait baron d’Empire en 1810. Camille Sain entre quant à lui à l’école de dessin locale sous la direction d’Etienne Rey (1789-1867). Ses études terminées, il est employé en qualité de dessinateur par les principales fabriques de soierie de Lyon et de Saint-Etienne, puis par la grande fabrique de la famille Perrier, à Vizille en Isère. En 1830, il est nommé directeur de l’école municipale de dessin de Vienne, poste qu’il quitte assez rapidement pour devenir directeur du théâtre de Perpignan en 1840. Cette expérience est un échec et il devient peintre de portraits itinérant, ce qui finit par lui attirer une certaine renommée : lors d’une exposition des Beaux-Arts de Boulogne-sur-Mer, il obtient une médaille d’or. Revenu dans sa région natale vers 1850, il y exerce « la peinture en tout genre, la décoration intérieure et extérieure, l’attribut pour enseignes » et s’essaye à la photographie à partir de 1859. En 1850-1851, Camille Sain peint le décor et le rideau de scène du théâtre de Vienne édifié au XVIIe siècle.

Si le musée des Beaux-Arts de Vienne possède un fonds important sur l’artiste, c’est principalement grâce à son œuvre imprimé qu’il est aujourd’hui connu, et notamment grâce à la publication de son « album viennois ». Daté de 1858 et édité par Joseph Timon (1805-1883), l’ouvrage proposait douze lithographies représentant les monuments et les points de vue remarquables de Vienne. À cette époque, la fonderie Blumenstein, représentée par Sain, est une usine prospère. Exploitée depuis le XVIe siècle, elle produisait des ancres marines. Au siècle suivant, elle est reconnue « Forge Royale » par Jean-Baptiste Colbert, permettant une diffusion de la production non seulement à Vienne, en Dauphiné, mais aussi à Brest et à Rochefort. Un dénommé Joseph Papet vendit le site à François de Blumenstein (1678-1739). Originaire de Salzbourg et naturalisé français, ce dernier donna son nom à l’exploitation qui est mentionnée sous cette appellation sur le cadastre napoléonien. Le gentilhomme choisit d’y faire réduire le minerai de plomb extrait sur place. À la suite d’une crue de la rivière particulièrement dévastatrice en 1750, l’usine dût être reconstruite et des quais furent ajoutés. Dès 1807, Jean-Baptiste Blumenstein [1765 (?)-1825], son descendant, choisit de s’orienter vers la récupération et le traitement des « cendres », résidus des matériaux précieux traités notamment par les bijoutiers et les orfèvres. Le fourneau et plusieurs hangars furent ajoutés en 1820 par Georges (1760-1831) et Louis Frèrejean (1762-1832). Jusqu’en 1820, il s’y trouvait également une papeterie. Par la suite, la fonderie se spécialisa dans le traitement des déchets de luxe de l’industrie monétaire et d’orfèvrerie. C’est à partir de ce moment-là que l’établissement métallurgique est désigné sous l’expression « Fonderie d’argent ». En 1825, la gérance est confiée à Marie Augustine de Piellat (née en 1783), puis à son fils Victor de Piellat (né en 1812). En 1840, une crue de la Gère inonda une nouvelle fois l’usine et emporta les filons des mines de Vienne. L’entreprise décida alors d’abandonner les galeries minières. En 1847, peu avant la réalisation de ce tableau, le fourneau devint la propriété de la Société des Fonderies et Forges de la Loire et de l’Isère. Il est possible que le nouveau propriétaire de l’usine ait décidé de s’adresser à Camille Sain pour immortaliser son entreprise. Le format important de l’œuvre laisse en outre supposer qu’elle ait pu décorer son bureau.
La fonderie Blumenstein appartient aujourd’hui à « Cookson-CLAL », elle-même détenue par le groupe allemand Heimerle + Meule. L’usine participe de l’histoire de la région de la Vienne et la médiathèque de Vienne a consacré, en 2019, une exposition au secteur – Des profondeurs de Vienne : mines, minéraux, fonderies –, éclairant l’histoire du Pays viennois d’une nouvelle lumière.