Alfred GERENTE (1821-1868)

Portrait en pied de François d’Orléans, prince de Joinville (1818-1900) en officier de la marine,1844
Plâtre
H : 46 cm ; L : 21 cm ; P : 20 cm
Signé et daté sur la terrasse Alfred Gerente / 1844
Titré sur la terrasse François d’Orléans, prince de Joinville
Porte un cachet sur la terrasse au dos AC
Restaurations de certains éléments

Acquisition par le musée national des châteaux de Versailles et de Trianon


Né le 11 mars 1821 à Paris, Alfred Gerente est l’élève de Jean-Jacques Feuchères (1807-1852) et d’Adolphe-Victor Geoffroy-Dechaume (1816-1892). Très tôt, il se spécialise dans la sculpture mais cessera cette activité à la mort de son frère Henri en 1849 (1). En 1844, Alfred Gerente représente en plâtre François d’Orléans, prince de Joinville, troisième fils de Louis-Philippe. Un exemplaire semblable, provenant de la collection du comte de Paris (1908-1999), est conservé au musée Louis-Philippe d’Eu (2). En uniforme d’amiral de la marine, le foulard flottant au vent, le fils du roi des Français se tient de façon inhabituelle appuyé au bastingage. On reconnaît sur la terrasse les planches apparentes du pont ainsi que des cordages. Gerente décida de sculpter le prince après l’attaque de Tanger (3) : « lorsque le feu des batteries de la ville fut éteint, et que l’air eut dissipé les tourbillons de fumée qui enveloppaient la flotte et les remparts […] », l’équipage cria « mille fois […] Vive le prince de Joinville ! ». Ce dernier prêta nonchalamment l’oreille à ce triomphe et aurait dit en souriant : « Il paraît que nous sommes tous contents les uns des autres » (4).

Charles Fréchou (actif entre 1851 et 1871) réalisa, d’après la sculpture, un dessin préparatoire qui servira à la lithographie par J. Saudeur publiée dans L’Artiste en 1844 (5). La presse – L’Artiste et la Revue de Paris notamment – loua très tôt les qualités de l’artiste et de la sculpture : « Nous donnerons dans un de nos prochains numéros le dessin d’une fort jolie statuette de M. le prince de Joinville, exécutée par M. Alfred Gerente. Le jeune contre-amiral est représenté debout, le corps légèrement appuyé contre le cabestan du navire, et le regard dirigé fièrement vers l’horizon […]. Il y a dans la pose du prince un sentiment de grandeur, et pourtant de naïve nonchalance qui séduit l’imagination. On aime à voir le vent jouer dans le nœud flottant de cette cravate et dans les franges de cette écharpe. On sent marcher le navire. C’est du mouvement, c’est de la vie, ce sont quelques effets bien saisis de cette belle et profonde poésie de la mer et des périls. On accueillera cette statuette autant pour le prince que pour l’artiste. Heureuse idée que celle de s’être ainsi inspiré du jeune triomphateur que Paris attend dans ses murs ! » (6). En remerciement pour le choix de ce sujet, Alfred Gerente reçut de la reine Marie-Amélie (1782-1866) et d’Adélaïde d’Orléans (1777-1847) « une épingle et un porte-crayon en or » (7).

Depuis sa tendre jeunesse au Lycée Henri-IV, François d’Orléans rêvait d’être marin. Le jeune homme embarqua à treize ans comme pilotin sur la frégate Artémise. Le Départ de Joinville pour la marine de Raymond Auguste Quinsac Monvoisin, en collection particulière (8), illustre les adieux du prince à sa famille. À vingt ans à peine, il commande la frégate La Créole et, avec l’escadre de l’amiral Baudin força le port mexicain de Vera-Cruz. L’année suivante, il fut fait capitaine de vaisseau et chevalier de la Légion d’honneur. En 1840, il fut chargé par son père de ramener, à bord de la Belle-Poule, de Sainte-Hélène les restes de Napoléon, comme on peut le voir dans la célèbre toile d’Isabey (9). En réponse à la protection accordée par le sultan du Maroc, Abderrahmane ben Hicham (1822-1859), à l’Algérien Abd-el-Kader (1808-1883), il bombarda Tanger en août 1844 et s’empara de Mogador (actuelle Essaouira) (10). Cette victoire restera dans les mémoires comme un haut fait militaire (11).

Après le décès de son frère Henri en 1849, Alfred Gerente prit la direction de la manufacture que celui-ci laissait derrière lui et exécuta un nombre considérable de vitraux pour l’Europe entière (12). Si son activité de sculpteur encore reste mal connue et à découvrir, son activité de maître-vitrier est, elle, mieux étudiée. En 1854, sur commande de l’impératrice Eugénie, il réalisa la verrière de la chapelle Sainte-Theudosie pour la cathédrale d’Amiens. En 1855, il présenta à l’Exposition universelle des vitraux dans le style du XIIIe siècle. Après avoir mené une carrière brillante au cours de laquelle il restaura notamment les verrières de la basilique Saint-Denis ainsi que celle de Notre-Dame de Paris, Alfred Gerente s’éteignit à l’âge de quarante-sept ans à Paris.  


(1) E. Bénézit, Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays par un groupe d’écrivains spécialistes français et étrangers, t. VI, Paris, 1999, p. 38.
(2) Alfred Gerente, Portrait en pied de François d’Orléans, prince de Joinville (1818-1900) en officier de la marine,1844, plâtre, Eu, musée Louis-Philippe.
(3) Revue de Paris, n° 72, 1844, p. 228.
(4) H. de Bray, « Chronique », L’Artiste, 1844, p. 111.
(5) J. Saudeur, d’après Charles Fréchou, d’après Alfred Gerente, François d’Orléans, prince de Joinville, lithographie in L’Artiste, 1844.
(6) H. de Bray, op. cit., p. 80.
(7) Revue de Paris, n° 72, 1844, p. 228.
(8) Raymond Auguste Quinsac Monvoisin, Le Départ du prince de Joinville pour la marine, huile sur toile, 73,5 x 92,5 cm, vente Une collection pour l’Histoire. Importants tableaux, dessins, meubles et souvenirs historiques appartenant à la famille de France, Sotheby’s France, 29 septembre 2015, n° 175.
(9) Eugène Isabey, Transbordement des cendres de Napoléon Ier à bord de La Belle Poule, 1842, huile sur toile, 238 x 369 cm, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.
(10) J. Planchais, « Le prince de Joinville, aquarelliste méconnu et promoteur de la marine moderne », Le Monde, 4 décembre 1953 (en ligne).
(11) A. van Cauberghe, d’après Henri Hendrickx, Le Prince de Joinville, gravure rehaussée in Jules Janin, Les Rois contemporains : biographies des souverains de l’Europe, Bruxelles, A. Jamar, 1849, p. 42.
(12) E. Bénézit, op. cit., p. 38.

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