Henri HARPIGNIES (1819-1916)
L’Embarcadère du pont Royal, vers 1880
Aquarelle
19,2 x 25 cm
Signé en bas à droite H Harpignies
Acquisition par la Fondation Custodia, Paris
Pendant l’Exposition universelle de 1867, les Parisiens découvrent un nouveau moyen de transport aujourd’hui devenu emblématique de la ville : les bateaux-mouches. Ces navettes qui parcourent la Seine sont utilisées l’année de leur mise en service par plus de deux millions et demi de passagers. Pour les emprunter, habitants et visiteurs devaient se rendre dans l’un des embarcadères installés sur la Seine. Paysagiste reconnu et ami de Corot, Henri Harpignies réalisa dans le dernier tiers du XIXe siècle plusieurs vues de Paris à l’aquarelle qui témoignent de l’évolution de la ville alors en profonde mutation. Le peintre fut surnommé par Anatole France « Le Michel-Ange des arbres ».
Installé sur la rive gauche de la Seine, le peintre domine un embarcadère amarré à la partie orientale du quai d’Orsay (actuel quai Anatole-France). La fragile structure de tôle est signalée aux usagers par deux hauts mâts ornés de drapeaux bleu, blanc et rouge. Sur le pont Royal, un omnibus traverse en direction de la rue du Bac. Le véhicule, tiré par un cheval blanc, est chargé de passagers. Sous l’une des arcades de pierre, on aperçoit la silhouette d’une petite barque se dirigeant vers le pont des Arts reconnaissable à sa ne structure métallique. Les arbres, sur la gauche, masquent le palais du Louvre dont seuls dépassent les deux lanternons des pavillons de Lesdiguières et de Trémoille. Un bosquet massif occupe à droite plus du tiers de la composition. Sous le ciel lavé, la lumière traverse les nuages alors que quelques frêles figures en ombre traversent le pont à pied ou attendent sur le quai sans animer la scène. Hormis pour les deux drapeaux, Harpignies limite sa palette à du vert et à différentes nuances de gris et de beige. Comme toujours chez lui, qu’il soit en Italie, en lisière de forêt de Fontainebleau ou au cœur de Paris, la structure et la composition du paysage dominent sur la couleur.
Cette vue, dont le dessin sous-jacent est incisif, doit dater de la n des années 1870. À partir du début de la décennie suivante, la manière du peintre s’assouplit et gagne en suggestivité ce qu’elle perd en précision. Puis sa vue baisse inexorablement et son style, contraint, évolue vers encore plus d’évanescence : les détails disparaissent peu à peu pour laisser la place à des juxtapositions de masses et sa palette se réduit lentement vers un jeu de noir et de gris tracé au lavis. Jusqu’aux derniers jours, dit-on, l’artiste ne cesse de peindre avec acharnement. Il meurt en 1916 à l’âge de quatre-vingt- dix-sept ans, fort d’une carrière parmi les plus longues de l’histoire de l’art.