Théodore GÉRICAULT (1791-1824)

Guerrier antique et son cheval, 1817
Encre sur papier
6,7 x 9 cm
Bibliographie : G. Bazin. Théodore Géricault, Paris, 1990, tome IV, fig. 1412, reproduit page 75

Vendu

« Maintenant, j’erre et m’égare toujours. Je cherche vainement où m’appuyer ; rien n’est solide, tout m’échappe, tout me trompe. » Ces quelques lignes écrites par Géricault à son ami Pierre-Joseph Dedreux-Dorcy, depuis l’Italie, nous éclairent sur l’état d’esprit du peintre durant son séjour romain. Fort d’une médaille d’or au Salon de 1812 et suite à l’échec relatif de son Cuirassier blessé en 1814, le jeune artiste de vingt-cinq ans concourt une dernière fois au Prix de Rome de 1816 et échoue. Possédant une fortune personnelle, il finance lui-même son voyage en Italie et quitte Paris, seul, à la fin de l’été. Ce départ est une fuite. En proie à un amour impossible pour sa tante, le peintre cherche dans cet éloignement soudain un changement brutal qu’il espère salvateur. Après quelques semaines passées à Florence où il se plaint de l’ennui, Géricault s’installe à Rome à la fin du mois de novembre. Ses rares lettres d’Italie témoignent de son effondrement moral, état qui pourtant ne semble pas transparaître dans ses œuvres. Il fréquente peu les artistes français présents dans la Ville éternelle et profite de son séjour pour copier les maîtres ; Michel-Ange, Raphaël et Jules Romain sont ses modèles. L’artiste qui erre sans but dans les rues de la ville et traverse les campagnes alentour, dessine paysages et habitants avec la même fougue qu’il met à copier les illustres.

En février 1817, Géricault assiste au Carnaval de Rome et s’intéresse plus particulièrement à la Mossa, également appelée course de chevaux libres, qui se déroule sur le Corso et conclut les festivités. Tradition aujourd’hui disparue, cette course d’une rare violence inspira de nombreux artistes, écrivains et musiciens, de Goethe à Berlioz en passant par Horace Vernet et Bartomeo Pinelli. La relation entre l’homme et le cheval, thème de prédilection pour Géricault, trouvait dans la représentation de cette course un sujet à la mesure des préoccupations du peintre. Une multitude d’esquisses et de dessins atteste de ses hésitations et de ses recherches. Son choix alterne vraisemblablement entre un traitement à l’antique, sur le modèle néoclassique représentant les esclaves nus tentant de maîtriser les chevaux, et une vision plus contemporaine de l’événement.

Coiffé d’un bonnet phrygien, symbole des esclaves romains affranchis, un jeune homme nu tend d’une main sa lance et de l’autre retient un cheval cabré. Une cape, attachée à ses épaules et gonflée par le vent, se soulève et donne à la bête qui l’accompagne l’apparence d’un Pégase. Le groupe constitué par l’homme et l’animal repose sur un sol rocheux détouré et ombré qui confère à l’ensemble les atours d’une sculpture. Cet effet sculptural évoque à la fois Les Chevaux de Marly et les figurines en terre crue que Géricault modelait dans son atelier. Tracé à l’encre brune, le motif se retrouve en inversé sur une autre feuille de même format où le cheval est cabré vers la gauche (Bazin 1411). Cette œuvre, tout en rappelant la composition du Cuirassier blessé exposé en 1814, participe de l’élaboration d’un tableau devant représenter la course de chevaux libres. Ce projet d’une toile immense de plus de dix mètres de longueur ne verra cependant jamais le jour et les raisons de cet abandon restent encore aujourd’hui obscures.

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