Projet de costume pour le tribunal criminel,1798-1799
Pierre noire sur papier
28,8 x 20 cm
Dès le début de la Révolution, certains élus du Tiers-État refusent les distinctions vestimentaires entre les trois ordres. Cette remise en question des codes attachés aux costumes officiels de l’Ancien Régime aboutit à l’idée d’une tenue unique, puis à la création de nouveaux costumes administratifs inspirés par l’antique République romaine. En 1794, Jacques-Louis David, qui dirige la Société populaire et républicaine des arts (ancienne Académie royale des Beaux-Arts), décide de créer un nouveau costume national. Il déclare que ce vêtement devrait être à la fois simple et pratique tout en restant esthétique et devrait permettre de différencier le citoyen libre des « sujets de nations encore flétries par la servitude ». Le peintre s’inspire alors de plusieurs études de vêtements à l’antique conçues par lui en 1791 pour son ami Talma, l’acteur le plus populaire de son temps. Ce costume unique sera finalement décliné pour différencier les civils des différents corps administratifs. Bien que gravés au trait par Dominique-Vivant Denon et imprimés à de nombreux exemplaires, ces projets, du fait de la chute de Robespierre, ne seront finalement jamais adoptés.
Le Directoire, qui remplace rapidement la Terreur, reprend l’idée de David et demande à plusieurs jeunes artistes de proposer des projets de costumes pour la magistrature. Pierre-Narcisse Guérin, grâce à son interprétation de La Mort de Caton d’Utique, est lauréat du Prix de Rome en 1797. Il doit cependant rester à Paris, suite à la fermeture de l’Académie de France à Rome. Élève de Nicolas Guy Brenet et de Jean-Baptiste Regnault, Guérin adopte un style proche de celui de David. En 1798, il est choisi pour travailler sur un projet de tenue officielle destinée aux magistrats de la cour criminelle. L’artiste réalise alors plusieurs études préparatoires à une aquarelle devant être gravée. Cette aquarelle, signée et titrée Tribunal criminel est conservée aujourd’hui au Metropolitan Museum de New-York.
Sur cette étude à la pierre noire, le modèle pose la main droite ouverte vers le ciel et la main gauche dirigée vers nous comme par défiance. La robe de son costume est ceinte d’une écharpe terminée par des franges et sa coiffe reprend la forme souple du mortier. Plusieurs études de drapés conservées au musée des Beaux-Arts de Valenciennes suggèrent que l’acteur Talma a pu poser pour Guérin. Cette hypothèse expliquerait l’attitude théâtrale et dramatique du modèle dans le dessin d’étude qui deviendra finalement plus maniérée dans l’aquarelle gravée sous le numéro 9 de la série. La dixième planche qui fut imprimée et qui illustrait le costume officiel du juge de paix fut confiée à Léonor Mérimée, le père de Prosper Mérimée.