Jean-Auguste-Dominique INGRES (1780-1867)

Henry IV, ses enfants et l’ambassadeur d’Espagne, 1819
Mine de plomb sur papier
23,2 x 18 cm
Signé, titré, localisé et dédicacé Ingres inv. et pinxit à Monsieur Thévenin. Rome 1819
Provenance : Charles Thévenin (1764-1838) ; Jean-Charles Thévenin (1819-1869) ; sa vente, Paris, Hôtel des Commissaires-Priseurs, Me Mareschal, 30 octobre 1869, n° 4 ; où acquis par « M. Clément » ; Eugène Lecomte ; sa vente, Paris, hôtel Drouot, Me Chevallier, 11 juin 1906, n° 11 ; où acquis par André Lecomte ; Mrs. Douglas Williams, New York ; collection privée, New York
Exposition : École des Beaux-Arts, Paris, 1867, n° 503 ; Ingres in American collections, Paul Rosenberg & Co, New York, 7 avril-6 mai 1961, n° 30, p. 36 (ill.) ; In Pursuit of Perfection. J.-A.-D. Ingres, The Speed Art Museum, Louisville (Kentucky), 6 décembre 1983-29 janvier 1984, The Kimbell Art Museum, Fort Worth (Texas), 3 mars-6 mai 1984, n° 27, p. 178 (ill.)
Bibliographie : Catalogue des tableaux, études peintes, dessins et croquis de J. A. D. Ingres exposés dans les galeries du palais de l’École des Beaux-Arts, cat. exp., Paris, 1867, n° 503, p. 85 ; H. Delaborde, Ingres. Sa vie, ses travaux, sa doctrine, Paris, 1870, n° 217, p. 281 ; C. Blanc, Ingres. Sa vie et ses ouvrages, Paris, 1870, p. 244 ; H. Lapauze, Ingres. Sa vie & son œuvre (1780-1867). D’après des documents inédits, Paris, 1911, p. 190, note 1 ; H. Naef, Die Bildniszeichnungen von J.-A.-D. Ingres, t. II, Bern, 1980, p. 214 ; P. Condon, « J.A.D. Ingres : les dessins historiques », Bulletin du musée Ingres, 1995 (n° 67-68), n° 46, p. 38 (ill.) ; G. Vigne, Dessins d’Ingres. Catalogue raisonné des dessins du musée de Montauban, Paris, 1995, p. 205 (ill.) ; D. Ternois, Lettres d’Ingres à Marcotte d’Argenteuil : dictionnaire, Paris, 2001, p. 224

En 1819, la villa Médicis qu’ Ingres fréquente toujours assidûment, est dirigée par Charles Thévenin, l’un de ses amis. L’année précédente, le peintre montalbanais venait de terminer la réalisation de deux toiles en pendants, Henri IV jouant avec ses enfants (1817) et La Mort de Léonard de Vinci (1818). Ingres notera plus tard que le Henri IV commencé en 1814 était destiné à un certain Sanson Daviglé, probablement Alexandre Sanson-Davillier, futur régent de la Banque de France. Comme son pendant, cette toile fut finalement acquise par le comte de Blacas. Son iconographie dut susciter l’intérêt du comte, récemment nommé ambassadeur de France à Rome par Louis XVIII. L’épisode illustre une anecdote tirée du Mémorial pittoresque de la France publié en 1786. Tandis qu’il jouait avec ses enfants, Henri IV fut surpris par l’ambassadeur d’Espagne. Le roi lui demanda alors s’il avait lui-même des enfants et l’invité répondant par l’affirmative, Henri IV poursuivit ses amusements. Le sujet, qui inspira également Pierre Révoil pour une œuvre peinte dans le style troubadour, connaît au retour des Bourbons sur le trône de France un certain engouement.

La première version d’Ingres pour cette composition, conservée depuis 1968 au Petit Palais à Paris, est le prototype d’une série d’œuvres sur le même sujet, de formats et de techniques variables. Outre deux esquisses et un certain nombre de croquis préparatoires, Ingres réalisa une seconde version peinte en 1828 et plusieurs dessins achevés. Ces dessins qui constituaient pour Ingres des œuvres à part entière lui permettaient de faire évoluer sa composition, sans peindre de nouvelle toile. L’un d’eux, daté de 1819 et localisé à Rome, est dédicacé au peintre Charles Thévenin qui dirige l’Académie de France à Rome depuis trois ans. Le dessin dont le degré d’achèvement empêche toute assimilation à un travail préparatoire est construit comme un véritable tableau. La composition en hauteur, inversée verticalement par rapport à celle de la toile de 1817, fait entrer l’ambassadeur d’Espagne par la droite. La reine Marie de Médicis, qui occupe une place centrale dans le tableau, à proximité de l’invité, est décalée vers la gauche dans le dessin, cédant sa place privilégiée au roi chevauché par deux de ses enfants. L’œuvre divisée en deux parties sur la hauteur réserve plus d’espace au décor et fait apparaître un plafond à caissons richement sculpté au-dessus du ciel de lit. Ingres en plus de la dédicace titre son dessin : Henri IV, ses enfants et l’ambassadeur d’Espagne.

Cette œuvre, ainsi que son pendant représentant La Mort de Léonard de Vinci, furent offerts à Charles Thévenin, qui venait de voir naître son unique fils Jean-Charles. Dans ces circonstances, le destinataire ne pouvait qu’apprécier l’attitude d’Henri IV en père de famille aimant. Dans les années 1840, ce fils devenu graveur réalisera des essais de gravure d’après ces deux dessins. Le musée Ingres de Montauban conserve de rares exemplaires de ces tirages qui montrent la composition de nouveau inversée par le jeu de l’impression.

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