Georges LAUGÉE (1853-1937)
Paysanne allongée, vers 1880
Pierre noire et craie blanche sur papier
29,7 x 42,6 cm
Signé en bas à droite G Laugée
Vendu
Georges Laugée est le troisième enfant du peintre Désiré-François Laugée, artiste renommé qui expose au Salon depuis 1845 et participe à la naissance de la peinture de paysannerie. Georges fréquente dès son plus jeune âge l’atelier paternel et se lie d’amitié avec le peintre Julien Dupré, son futur beau-frère. À dix-huit ans, il s’inscrit à l’École des Beaux-Arts dans les ateliers d’Isidore Pils et d’Henri Lehmann où il reçoit une solide formation académique. Pour sa première participation au Salon en 1877, il expose un Repas des moissonneurs dont le livret officiel précise la localisation en Picardie. Sur les traces de son père, il trouve ses sujets dans les campagnes de l’Aisne, près de Saint-Quentin, où il a passé une partie de son enfance. Ses œuvres, qui associent paysages ruraux et portraits de paysans au travail, le rattachent à l’école de Barbizon et au courant réaliste. Proche de Jean-François Millet, il s’inspire de sa peinture sans pour autant l’imiter.
Allongée sur le sol, une paysanne nous tourne le dos. S’est-elle endormie là, épuisée par une journée de travail, ou est-elle effondrée de chagrin, cachant ses larmes au spectateur ? L’auteur n’offre que peu d’indices pour répondre à cette question. L’œuvre, élégamment tracée et savamment composée, respecte scrupuleusement la règle des trois tiers, horizontalement et verticalement, tout en inscrivant la jeune femme sur la diagonale ascendante de la feuille. Chaque partie de son corps est traitée avec soin, l’artiste exploitant la pierre noire et la craie blanche de différentes manières. Sur le bas de la robe, il creuse les plis et les renflements d’un geste rapide ; sur son dos la pierre noire est estompée puis striée par la gomme ; dans les creux et les ombres, elle s’écrase pour atteindre un noir profond et contraste avec la couleur de la feuille laissée en réserve. La craie blanche, utilisée avec parcimonie, éclaire délicatement le haut de sa hanche, puis son épaule et sa nuque jusqu’à son fichu noué sur sa tête ; employée plus largement sur son bras droit replié, elle accentue le caractère inconfortable d’une posture impropre au repos. La jeune femme ne dort pas, elle pleure.
L’humble paysanne de Laugée a quitté son état de simple étude. Lointaine parente des sibylles de Michel-Ange, et sœur cadette des glaneuses de Millet, elle témoigne du profond respect de l’artiste pour un monde rural qu’il aime sans condescendance et auquel il offre une forme de monumentalité.