Louis ANQUETIN (1861-1932)

Darius et Alexandre, vers 1894-1897
Huile sur toile
61 x 73 cm
Signé en bas à gauche Anquetin

Vendu

Le 1er novembre 333 av. J.-C., l’armée d’Alexandre le Grand affronte celle du roi de Perse, Darius III, à Issos en Cilicie. Les deux hommes passent pour être les plus valeureux guerriers de leur temps. Leur confrontation donnera lieu à une multitude de récits et inspirera les artistes de toutes les époques. Anquetin choisit d’isoler Darius et Alexandre sur le champ de bataille. Le chef macédonien, torse dénudé, prend l’avantage sur son adversaire et le désarçonne de la pointe de sa lance. Le roi de Perse, en costume oriental pour le moins anachronique, lâche son cimeterre en tombant de son cheval aux reflets d’argent.

Louis Anquetin, ancien élève de Léon Bonnat à l’École des Beaux-Arts, est admis dans l’atelier libre de Fernand Cormon où il passe quatre années. Chez ce maître, il se lie d’amitié avec Vincent Van Gogh, Henri de Toulouse-Lautrec et le jeune Émile Bernard âgé de seize ans. D’abord tenté par le divisionnisme initié par Seurat et Signac, il invente par la suite avec son jeune ami le cloisonnisme, dont le principe s’inspire librement des estampes japonaises. Anquetin fait alors partie d’une génération d’artistes d’avant-garde, en opposition à l’académisme qui reste encore dominant. Au début des années 1890, pendant un voyage en Belgique et en Hollande avec Toulouse-Lautrec, le peintre découvre les œuvres de Rubens qui sont pour lui une révélation presque mystique. Son travail prend dès lors un tournant inattendu et devient baroque, l’artiste mettant ses pas dans ceux des maîtres du passé. Le duel de Darius et Alexandre, peint probablement peu de temps après son voyage, est une mosaïque d’emprunts et de références artistiques. Si la figure de Darius semble tout droit sortir de La Chasse aux lions de Rubens, celle d’Alexandre est proche de la figure de Jacob d’Eugène Delacroix dans La Lutte de Jacob avec l’ange de l’église Saint-Sulpice. Le décor de paysage aux couleurs violentes et acides, proche de l’abstraction, renvoie aux œuvres que Gustave Moreau expose encore à cette époque.

Cette toile montre un changement profond et définitif dans la manière du peintre, très éloignée de ses grands pastels de la fin des années 1880. Une autre œuvre synthétise cette évolution : Le Combat, présenté par Anquetin au Salon de 1899. Cette monumentale bataille équestre de cinq mètres sur trois, peinte en moins de six semaines, représente vingt-sept personnages de grandeur réelle. Véritable manifeste d’un retour à la grande peinture, Anquetin annonce le travail des grands décorateurs de la période Art déco et le revirement classique plus tardif d’Émile Bernard, son ami de jeunesse.

Retour en haut