Paul GAVARNI (1804-1866)

Lorettes couchées, vers 1842
Aquarelle et gouache sur papier
16 x 13 cm
Signé en bas au centre Gavarni
Provenance : ancienne collection d’André Pieyre de Mandiargues

Vendu

Caricaturiste prolifique sous la monarchie de Juillet et le Second Empire, Gavarni participe en tant que dessinateur à de nombreux journaux tels que Le Journal des dames, La Mode, L’Artiste ou L’Illustration. Comme ceux d’Honoré Daumier, ses dessins publiés en pleine page moquent les mœurs de son époque et le rendent célèbre dans toute la France. À partir de 1837, Gavarni s’installe dans la Nouvelle Athènes. Ce quartier, alors en construction autour de la place Saint-Georges, accueille autour de l’église Notre-Dame-de-Lorette un grand nombre de prostituées attirées par les faibles loyers des logements inachevés et par une clientèle d’artistes, d’acteurs et de dandys fortunés. De ses fenêtres, l’artiste peut voir le ballet de ces jeunes femmes élégantes qui déambulent aux angles des rues et devant les portes des immeubles fraîchement bâtis.

Sous le règne de Louis-Philippe, on aime à placer chaque membre de la société dans une catégorie bien dé nie. Cette typologie sépare en stéréotypes caricaturaux l’étudiant du bourgeois, le dandy de l’artisan, et la fille de bonne famille des filles légères. Ces dernières qui vendent leurs charmes autour de l’église prennent rapidement le doux sobriquet de lorettes. Symboles d’oisiveté à l’opposé des valeurs bourgeoises, leurs mœurs et leurs physionomies fascinent Gavarni qui leur consacre plus de cent cinquante dessins qui seront publiés entre 1837 et 1862.

Couchées sous l’alcôve d’un lit à la polonaise, deux jeunes femmes en robe de nuit se reposent. La première vient de se redresser et délaisse sa lecture. Sa compagne, toujours al- longée, étend le bras en sortant d’un profond sommeil. Sou- vent très jeunes, les lorettes étaient considérées par la société comme des femmes-enfants. Partageant souvent à plusieurs leur chambre pour réduire les frais, elles prfitaient de l’absence de clients pour se reposer, lire, dormir ou discuter entre elles d’un avenir incertain. Réalisée à l’aquarelle, la scène est complétée d’une multitude de détails que l’artiste a traités avec soin : les vêtements en satin bleu et en dentelle blanche étalés sur les montants du lit et sur une chaise se mêlent aux tentures et aux draps en désordre ; sur la droite, une carafe et des verres à la subtile transparence patientent sur un somno ; au sol, deux paires de pantoufles attendent d’être chaussées pour recevoir le prochain visiteur. Gavarni fait preuve dans cette œuvre d’une grande tendresse à l’égard des deux lorettes, qu’il représente à l’image de jeunes filles insouciantes.

Lorsqu’en 1853 les frères Goncourt publient La Lorette, ils demandent à Gavarni de leur fournir un dessin en guise de frontispice et lui dédient l’ouvrage. Un monument, réalisé en son hommage par le sculpteur Denys Puech, s’élève toujours aujourd’hui au centre de la place Saint-Georges et rappelle son passage dans le quartier.

Retour en haut