René de MORAINE (1816-1864?)

L’Atelier de Canova à Rome, vers 1848
Aquarelle et gouache sur papier
15,5 x 10,7 cm
Signé sur la gauche R. DE MORAINE
Provenance : collection Alexis Rouart (1839-1911) ; sa vente, Paris, expert Durand-Ruel, 8-10 mai 1911, n°294 ; probablement collection Émile Brouwet (selon une étiquette au verso) 
Porte au revers le cachet de la collection Alexis Rouart (Lugt 4899)

Acquisition par la Maison de Chateaubriand, Chatenay-Malabry

Lorsque François-René de Chateaubriand décède, Eugène et Victor Penaud décident de publier en douze volumes les Mémoires d’outre-tombe. Les deux frères confient à Moraine le soin d’illustrer le frontispice du quatrième tome avec une vue de l’atelier de Canova. Gravée par Ferdinand Delannoy, la scène est étonnamment donnée sous la planche à Gustave Staal, un autre illustrateur ayant collaboré à l’ouvrage. La redécouverte de l’aquarelle préparatoire à cette gravure permet de redonner à Louis Pierre René de Moraine (ou Demoraine) la paternité de la composition. De ce dernier, on sait peu de choses. Élève de Nicolas-Toussaint Charlet, il illustre volontiers des scènes de batailles et est connu pour être l’auteur de la gravure Le Passé, le Présent et l’Avenir, datée de 1864, où il montre la continuité dynastique de la maison Bonaparte. 

Si Chateaubriand est resté dans les mémoires comme un écrivain romantique, il demeure, pour ce qui est des arts plastiques, résolument classique dans ses goûts. Admirateur de l’Antiquité et de son retour sous le ciseau de sculpteurs, Chateaubriand relate en 1838, dans le deuxième tome des Mémoires, la visite qu’il rendit à Canova. Entre 1803 et 1804 l’écrivain rencontra l’artiste occupé à sculpter « une nymphe » que Moraine figure en Hébé. Chateaubriand écrit y avoir pensé pendant sa visite aux marbres commandés à Joseph-Charles Marin, sculpteur chargé de réaliser le tombeau de son amie et maîtresse, la comtesse de Beaumont, récemment décédée à Rome. La mort de celle-ci est représentée dans une nuée en haut à gauche. Félix Philippoteaux, dans une édition postérieure des Mémoires, avait quant à lui choisi de représenter la fin de cette idylle au Colisée, trois semaines avant le trépas. Après des funérailles grandioses, auxquelles participe toute la bonne société française de Rome, dont la princesse Pauline Borghèse, Chateaubriand fait édifier un monument à l’église Saint-Louis-des-Français à la mémoire de sa maîtresse. 

En bas de la composition, Moraine dispose, à la manière d’une prédelle de retable, deux autres scènes des Mémoires séparées par deux fleurs de lys : à gauche, Chateaubriand entendant crier la mort du duc d’Enghien à son retour en France, et à droite, l’exécution du prince au château de Vincennes le 21 mars 1804. La nouvelle fait de Chateaubriand un opposant au régime et mène à sa démission de toutes les charges qui lui avaient été confiées par l’Empire.


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