Henry SCHEFFER (1798-1862)

Don Juan endormi sur les genoux d’Haedée, vers 1827
Huile sur toile
65 x 81,5 cm
Signé et daté en bas à droite Henri Scheffer 18[…]
Exposition : Paris, Salon de 1827 (n° 1828)
Provenance : étiquette de vente ancienne au revers numérotée 41 ; collection privée, Toulouse (depuis au moins 1900)

Vendu

Lord Byron débute la rédaction de Don Juan en juillet 1818 alors qu’il séjourne à Venise. Le texte qu’il considère comme son chef-d’œuvre se compose de dix-sept chants mais reste inachevé à sa mort en 1824. L’histoire est celle d’un jeune noble espagnol de seize ans envoyé par sa mère à l’étranger. Les événements, qui se déroulent à la fin du XVIIIe siècle, guident le personnage principal depuis l’Espagne jusqu’en Angleterre en passant par la Grèce et la Russie. Au deuxième chant, le bateau qui le transporte sur la Méditerranée fait naufrage. Unique survivant, Don Juan échoue sur les rives d’une île grecque où il est recueilli et soigné par Haydée (dont l’orthographe du nom varie suivant les auteurs), la fille d’un chef pirate. Dans les chants suivants, l’auteur développe la passion entre les deux jeunes gens, la colère du père d’Haydée puis la vente de Don Juan comme esclave au sultan de Constantinople.   

L’œuvre rapidement traduite en français connaît un grand succès et suscite l’intérêt de nombreux artistes. Le passage du sauvetage de Don Juan par Haydée est celui qui va le plus inspirer les peintres. En 1827, trois ans après la mort de Byron en Grèce, Henry Scheffer est le premier à illustrer ce thème pour sa participation au Salon. Sur la toile, il installe les deux futurs amants à l’abri d’une grotte ouverte sur la mer. Haydée, assise, veille Don Juan endormi à la manière d’une déploration sur le corps du Christ de la Renaissance. Le peintre offre au héros les traits de Byron tel qu’on peut le voir sur de nombreux portraits : les cheveux noirs, le visage glabre et portant le costume grec traditionnel. Dans son œuvre, Scheffer choisit donc d’associer au sujet romanesque une représentation symbolique de la mort de l’auteur. À cette époque, la Grèce, engagée dans une guerre pour son indépendance depuis 1821, reçoit le soutien des grandes puissances européennes et voit se mobiliser la jeune génération des artistes romantiques. Lord Byron gagne la Grèce et s’implique physiquement dans la lutte en 1823. Épuisé et pris de fièvre, il meurt à Missolonghi le 19 avril 1824 et devient rapidement la personnification du héros romantique capable de sacrifier sa vie pour ses convictions.  

Véritable chef-d’œuvre d’Henry Scheffer, cette toile est accrochée pendant le Salon de 1827 non loin des Femmes souliotes, une œuvre d’Ary Scheffer, son frère aîné, qui s’inspire également de la Grèce. Nés à La Haye aux Pays-Bas, Henry et Ary sont les fils d’un artiste d’origine allemande attaché au service de Louis Bonaparte, alors roi de Hollande. En 1811, Henry s’installe à Paris et entre deux ans plus tard dans l’atelier de Pierre-Narcisse Guérin. Moins célèbre aujourd’hui que son frère, il débute au Salon de 1824 et reçoit la protection du roi Louis-Philippe à partir de 1830. Peintre engagé dans le mouvement romantique, il est l’auteur de plusieurs peintures exposées au château de Versailles et tient un atelier où il reçoit de nombreux élèves dont le jeune Pierre Puvis de Chavannes. 

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