Eugène LE POITTEVIN (1806-1870)
Nature morte dans l’atelier, vers 1850
Portrait allégorique d’Hippolyte Bellangé
Crayon sur papier
9,7 x 12 cm
Signé de son monogramme en haut à droite
Vendu
Sur une page de petite dimension, l’artiste a représenté un coin d’atelier. Au sol des carnets et des feuilles, couverts de motifs indéfinis, sont éparpillés, dominés par trois car- tons à dessins posés les uns sur les autres. Sur le premier est inscrit le nom de Bellangé, sur le second, partiellement masqué, on peut deviner la mention Christ sur une étiquette ; le troisième plus petit ne porte aucun titre. L’auteur, Eugène Le Poittevin, a pris soin de signer l’œuvre de son monogramme entremêlé, en haut sur la droite. Cet amusant portrait allégorique d’Hippolyte Bellangé illustre les liens d’amitié entre deux artistes romantiques, le destinataire et son auteur. Nés à six années d’écart, les deux peintres n’ont pas fréquenté les mêmes ateliers. L’aîné se forme chez Jean-Antoine Gros à partir de 1816, alors que le second s’inscrit chez Hersent quelques années plus tard. Il est cependant très probable que les deux artistes, comme beaucoup de leurs camarades, se fréquentent dans les différents cafés qui servent de lieu de discussion à l’intelligentsia artistique de la capitale.
Bellangé n’a que quinze ans au moment de la chute de l’Empire. Comme toute sa génération, il conserve le souvenir des privations qui accompagnent la n du régime et restera profondément marqué par les images funestes de la bataille de Waterloo. À l’instar de son comparse d’atelier et ami, le peintre Nicolas Toussaint Charlet, il se spécialise à ses débuts dans la représentation des scènes de guerre et illustre comme dessinateur et lithographe la vie d’errance des grognards de retour du front. Il connaît son premier grand succès au Salon en 1834 avec le Retour de l’île d’Elbe (journée du 6 mars 1815) et reçoit à ce titre la Légion d’honneur. Deux ans plus tard, nommé au poste de conservateur et directeur du musée des Beaux-Arts de Rouen, il quitte Paris avec sa femme et mène en Normandie, une vie heureuse et paisible.
De son côté, Eugène Le Poittevin fait ses débuts comme lithographe pour les journaux et connaît à partir de 1829 ses premiers succès of ciels. Il obtient plusieurs prix qui lui per- mettent de voyager à travers la France, l’Italie, la Hollande et les Flandres. En 1842, il reçoit une commande pour la gale- rie des Batailles : La Bataille navale remportée devant l’île d’Em- bro puis est nommé peintre of ciel de la Marine en 1849. Sa spécialité le guide souvent jusqu’en Normandie où il se fait construire une villa à Étretat. C’est à partir de cette époque, en passant par Rouen, qu’il peut rendre régulièrement visite à Hippolyte Bellangé. Inversement, les livrets du Salon nous apprennent qu’entre 1847 et 1853, Eugène héberge son ami lors de ses venues à Paris, chez lui, au numéro 5 de la cité de Trévise. Les artistes s’offraient régulièrement de petites œuvres pour célébrer leurs liens et c’est sans doute dans ce contexte que Le Poittevin t ce cadeau. En 1870, à la mort de Le Poittevin, c’est Eugène Bellangé, le ls de son ami dé- cédé quatre ans plus tôt, qui sera chargé de prononcer l’éloge funèbre.