Alexandre-Évariste FRAGONARD (1780-1850)
Fête des moissons, vers 1805
Crayon et encre sur papier
14,8 x 77,5 cm
Vendu
En 1898, Victor Masséna, prince d’Essling et duc de Rivoli, décide de se faire construire une villa de plaisance à Nice sur le bord de mer. Les architectes Hans-Georg Tersling et Aaron Messiah, à la demande du prince, doivent s’inspirer de l’architecture palladienne. Les aménagements intérieurs sont réalisés dans le style néo-classique. Petit- ls du maréchal d’Empire André Masséna, Victor possède déjà un grand nombre d’œuvres et d’objets d’art hérités de sa fa- mille. Il complète cette collection en faisant plusieurs acqui- sitions chez de grands antiquaires parisiens ou à l’occasion de ventes aux enchères. Pour la grande galerie qui donne accès aux différents salons de réception, le décor est conçu dans l’esprit de la n du XVIIIe. Inscrite dans le plan rectangulaire de la villa, elle est ornée de colonnes massives et d’une frise en trompe-l’œil de bas-relief, peinte par Alexandre-Évariste Fragonard, ls du célèbre Jean-Honoré Fragonard et élève de David. Ces peintures n’ont pas été conçues pour la luxueuse villa niçoise mais proviennent du château de la Faulotte, dans les environs de Paris, détruit en 1896. Originellement com- mandé par un certain Thimothée-Honoré Luce en 1805, ce décor fut acquis près d’un siècle plus tard par le prince d’Essling et ainsi sauvé de la destruction.
L’ensemble de l’iconographie des frises fait référence à l’antiquité gréco-romaine. Les blanches figures de vestales et de jeunes éphèbes se déploient sur un fond bleu uni, à l’image des porcelaines anglaises de Wedgwood. Aujourd’hui placée au fond de la galerie face à nous dans la perspective, l’une des compositions évoque la fête des moissons. Au centre, deux adolescents montés sur un cheval traversent des flammes. Ce rituel du passage de l’enfance à l’âge adulte est associé à l’automne et aux activités agraires. Hommes et enfants trans- portent sur la droite des fétus de blé à dos d’âne, tandis que sur la gauche, un groupe de quatre jeunes gens avancent nus, des flambeaux à la main. Ces différents éléments sont déjà mis en place sur le grand dessin au crayon préparatoire à la composition définitive. Sur celle-ci s’ajoutera un dernier groupe de trois bergers venus assister aux festivités.
À partir de 1806, Alexandre-Évariste Fragonard entame une longue collaboration avec la manufacture de Sèvres. Pendant plus de trente ans il conçoit pour elle un grand nombre de formes et de décors pour des pièces de porcelaine au raffinement extrême. Les frises du château de la Faulotte, aujourd’hui au Palais Masséna, sont marquées par les préoccupations techniques de cette nouvelle activité. Tout au long de sa carrière, le peintre sut évoluer en fonction des modes et des régimes : néo-classique zélé sous l’Empire, il adopta le style troubadour pendant la Restauration et reçut des com- mandes aussi nombreuses que prestigieuses.