Louis ANQUETIN (1861-1932)


La Diligence, place de Clichy, vers 1889-1893
Huile sur panneau
20,5 × 25,5 cm
Au verso cachet de la vente d’atelier de l’artiste, 2008 (L.3816)
Provenance : vente Atelier Louis Anquetin, Paris, hôtel Drouot Me Thierry de Maigret, 28 novembre 2008, no 58 : « La diligence »

Louis Anquetin, né en 1861 à Étrépagny dans l’Eure, s’installe à Paris en 1882 pour se former auprès de Léon Bonnat. Un an plus tard, changeant de maître, il entre dans l’atelier libre de Fernand Cormon, situé au 104 boulevard de Clichy. Là, il se lie d’amitié avec Vincent van Gogh, Henri de Toulouse-Lautrec et le jeune Émile Bernard, alors âgé de seize ans. D’abord tenté par le divisionnisme développé par Seurat et Signac, il invente en mars 1887, avec son jeune ami Bernard, le cloisonnisme dont le principe s’inspire librement des estampes japonaises. Durant les mois de novembre et décembre, les deux artistes exposent avec Lautrec au Grand Bouillon, 43 avenue de Clichy, sur l’invitation de Van Gogh et reçoivent la visite des peintres Pissarro, Gauguin, Guillaumin et Seurat. En 1888, Anquetin présente ses œuvres au Salon des XX à Bruxelles, ainsi qu’aux Indépendants à Paris. L’année suivante, il partage les cimaises de la galerie Volpini avec Gauguin, Émile Bernard et Schuffenecker. Le peintre fait alors partie de la génération des artistes d’avant-garde, en opposition à l’académisme encore dominant. 

Au mois d’octobre 1889, Anquetin emménage dans un vaste atelier de la rue de Rome, entre la gare Saint-Lazare et la place Clichy. C’est dans ce périmètre, place et boulevards rayonnants, que la vie de l’artiste va se concentrer durant ces années-là. Homme de la nuit, il fréquente les restaurants, les cafés et les cabarets où il retrouve Lautrec. Tous deux partagent l’amour des chevaux ; Anquetin les dessine et les peint dès que l’occasion s’en présente, sur les champs de courses, en liberté à la campagne ou attelés à une calèche chargée de voyageurs. Probablement installé à la terrasse d’un café, tard le soir, Anquetin saisit avec ses pinceaux une diligence que tirent trois lourds chevaux blancs. La voiture, lancée à vive allure par le cocher, semble foncer droit sur l’artiste. Traitée en brunaille sur un panneau de petit format, la peinture évoque les lavis d’encre de Constantin Guys, chers à Baudelaire, et les esquisses d’Honoré Daumier, dont elle reprend à la fois le chromatisme et l’aspect charpenté de la touche. Le thème de la calèche à trois chevaux réapparaît régulièrement dans son œuvre, que ce soit au crayon, à l’huile ou au pastel, comme en témoigne Femme sur les Champs-Élysées de nuit, toile conservée au Van Gogh Museum d’Amsterdam, ou Le Pont des Arts, pastel qui fit la couverture du catalogue de sa vente d’atelier en 2008.

En 1894, pendant un voyage en Belgique et en Hollande avec Toulouse-Lautrec, Anquetin découvre les œuvres de Rubens qui sont pour lui une révélation presque mystique. Son travail prend dès lors un tournant inattendu et devient baroque, l’artiste mettant ses pas dans ceux des maîtres du passé. Ce retour au « beau métier », vécu par lui comme une mission, le coupe de ses amis de jeunesse et jette, sur la gloire qui lui était promise, une ombre qui ne s’est toujours pas dissipée aujourd’hui.