Louis Léopold BOILLY (1761-1845)

Portrait d’homme, vers 1815-1820
Huile sur toile
21,5 × 16,5 cm
Provenance : Vente Anita Semail au profit de l’Institut Pasteur, Paris, hôtel Drouot, Choppin de Janvry & Associés, 30 mars 2009, no 30
Publication : É. Bréton et P. Zuber, Louis-Léopold Boilly : le peintre de la société parisienne de Louis XVI à Louis-Philippe, vol. 2 : « Catalogue raisonné », p. 824 : « 1631 pp. Portrait d’homme/Huile sur toile. H. 22 ; L. 16,50 », repr. p. 825
Fils d’un sculpteur installé dans la région lilloise, Louis Léopold Boilly grandit dans un milieu modeste. En 1785, il s’installe à Paris où ses premières œuvres, peintes ou gravées, sont marquées par l’influence de Greuze et de Fragonard. Grâce au décret révolutionnaire du 21 août 1791 ouvrant le Salon du Louvre à tous les artistes, Boilly peut y exposer une toile intitulée Scène familière, dont le style adopte la finesse et la préciosité des grands maîtres hollandais du xviie siècle, ainsi que plusieurs portraits. Son faible engagement dans la cause révolutionnaire attire sur lui la suspicion de certains de ses confrères qui l’accusent d’indécence et le forcent à prouver publiquement son adhésion aux idéaux républicains. Deux œuvres, Le Triomphe de Marat et L’Arrestation de Charlotte Corday permettent à Boilly de faire taire durablement la rumeur. Très peu intéressé par les sujets historiques, qu’ils soient anciens ou contemporains, le peintre, qui préfère raconter par l’image le quotidien des gens de Paris, dans la rue, les cafés, au théâtre ou dans l’intimité de leur maison, s’impose comme un chroniqueur attentif de la vie artistique de son époque. La toile Réunion d’artistes dans l’atelier d’Isabey exposée au Salon de 1798, outre sa valeur de précieux témoignage, présente une trentaine de portraits fidèles et détaillés où se révèle le talent particulier du peintre dans cet exercice.
En marge de sa production « noble », Louis Léopold Boilly développe une activité de portraitiste plus commerciale. Ces petits portraits, d’un format presque toujours identique (21,5 × 16,5 cm) et présentés dans un même modèle d’encadrement, se dénombrent en milliers. Dans le livret du Salon de 1800, l’artiste a fait lui-même leur promotion, précisant que ces portraits sont « faits chacun en une séance de deux heures », avantage appréciable pour le modèle et signe de sa grande habileté. Sauf exception, la pose et le cadrage s’y répètent, sous la formule du buste de trois quarts sans les mains, le visage de face, le tout se détachant sur un fond brun neutre sans décor. La variation réside principalement dans la physionomie de chacun, hommes et femmes, jeunes ou âgés, enfants, minces ou replets. Le costume, qui à l’occasion individualise aussi, peut apporter dans de rares cas un indice quant à l’identité de la personne représentée, par la présence d’une médaille militaire ou d’un col brodé d’académicien. Quelquefois une annotation ancienne ou une étiquette au revers du cadre, spécifiant le nom du modèle, permettent une identification plus sûre.
Présenté dans le catalogue raisonné du peintre sous le numéro 1631 pp, le modèle de ce beau portrait, en l’absence de toute mention, reste anonyme. Homme élégant d’une petite trentaine d’années, il porte un haut sombre et une cravate blanche nouée à la mode du temps. L’image qu’il emporta à la fin de la séance a su résister aux deux siècles qui nous séparent et témoigne, dans un échange de regards étonnamment vivants, du talent aussi facile qu’intemporel de son auteur.
