Auguste Paul Charles ANASTASI (1820-1889)
Sentier dans les rochers à Pont-Aven, vers 1868
Huile sur papier marouflé sur toile
24 × 32 cm
Au verso, cachet de cire rouge au monogramme aa
Étiquette portant le No 66 de la vente d’atelier de 1873
Provenance : vente 3-8 mars 1873, Paris (expert Durand-Ruel), Atelier Auguste Anastasi, no 66 : « Sentier dans les rochers à Pont-Aven »
Vendu
Né à Paris en 1820, Auguste Anastasi est le fils de Paul Joseph Anastasi, peintre miniaturiste d’origine grecque ayant travaillé pour Joseph Benoît Suvée à Rome. Devenu aveugle à l’âge de trente-six ans, le père doit élever son fils dans des conditions d’extrême pauvreté. Auguste se forme à l’École des beaux-arts de Paris auprès de Paul Delaroche et reçoit les conseils de Camille Corot. Il travaille régulièrement en forêt de Fontainebleau et se rend plusieurs fois en Normandie. Au Salon de 1843, il présente pour la première fois ses œuvres et en exposera pas moins de quatre-vingt-dix tout au long de sa carrière. Le jury le récompensera par deux fois en 1848 et 1865. Très tôt, le peintre entame une série de voyages en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne, mais doit attendre l’été 1862 pour découvrir l’Italie. S’il ne peut y rester que quelques mois, jusqu’au printemps 1863, ce séjour lui inspire plusieurs toiles qu’il présente au Salon avec succès. À cette époque, il ressent déjà les premiers effets de l’hérédité paternelle et profite de chaque occasion pour visiter de nouvelles régions et travailler sur le motif.
Suivant les conseils d’Emmanuel Lansyer et de Jules Breton, Auguste Anastasi part en 1868 à la découverte de la Bretagne et y revient l’année suivante. Durant ses deux séjours, il passe par Pont-Aven et Douarnenez, comme en témoignent un certain nombre de ses études ainsi qu’une toile, L’Escalier du bac à Douarnenez, qu’il expose au Salon de 1870 (musée des beaux-arts de Quimper). Près de Pont-Aven, il pose son matériel et s’installe à l’ombre des arbres en contrebas d’un sentier. Sous les branches chargées de feuilles, de lourds rochers évoquent les paysages de Fontainebleau inlassablement esquissés par le peintre. À l’arrière-plan, la vue s’ouvre telle l’embrasure d’une fenêtre sur un ciel bleu sans nuage. La touche rapide du peintre restitue parfaitement l’impression de fraîcheur que lui offre ce refuge à l’abri du soleil.
L’année suivant son second séjour en Bretagne, Anastasi, atteint d’une cécité totale et définitive, ne peut plus peindre ni subvenir à ses besoins et encore moins voyager. Ses amis, inquiétés par son sort, organisent une vente de leurs œuvres pour lui porter secours. Les paysagistes Corot, Daubigny, Dupré ou Harpignies offrent des toiles et des dessins ; plusieurs artistes académiques, parmi lesquels Bonnat, Bouguereau, Gérôme et même Gustave Moreau, montrent également leur générosité. En 1873, Anastasi organise à son tour une vente de son fonds d’atelier. Sentier dans les rochers à Pont-Aven, l’une de ses dernières œuvres, sera vendue à cette occasion sous le numéro 66 du catalogue pour la somme de 95 francs. Le fruit très important de ces deux vacations permettra à l’artiste de vivre dignement malgré son handicap jusqu’à sa mort en 1889.