Théodore GUDIN (1802-1880)

Siège d’Alger, 1831
Huile sur toile
36 × 54,5 cm
Signé et daté en bas à droite T. Gudin 1831
« Pour peindre la mer, il faut avoir navigué. Ce n’est qu’après avoir mené la vie des gens de mer qu’un peintre de marine apprend son art. » Théodore Gudin, Edmond Béraud [éd.], Souvenirs du baron Gudin, peintre de la marine, Paris, Plon-Nourrit et Cie, 1921
Depuis sa prime jeunesse, Théodore Gudin est attiré par la mer. Alors que son frère aîné Jean-Louis (1799-1823) se lance dans une carrière artistique, intégrant les ateliers d’Horace Vernet puis d’Anne Louis Girodet, Théodore entre à l’École navale et voyage jusqu’en Amérique. Mais, abandonnant rapidement ses aspirations premières, il rejoint l’atelier de Girodet sur les traces de son frère. Dès 1821, Gudin se rend en Angleterre en compagnie du peintre Eugène Isabey avec lequel il partage une fascination pour la mer. Les peintures de Turner qu’il découvre à Londres ont une forte influence sur son œuvre. Il participe pour la première fois au Salon en 1822 avec cinq toiles qui connaissent un certain succès. Le 4 mars de l’année suivante, un épisode traumatisant va profondément marquer sa manière de peindre. Alors qu’il navigue sur la Seine en compagnie de son frère, le frêle canot qui leur sert d’atelier flottant se retourne. Jean-Louis ne sait pas nager et se noie sous les yeux de Théodore. Dès lors, l’eau ne sera plus pour le peintre que l’objet d’un attrait tragique.
Nommé peintre officiel de la Marine en 1830, Gudin traverse la Méditerranée et participe à l’expédition d’Alger en compagnie des peintres Isabey et Charles Langlois. L’armée, composée de 675 navires transportant plus de 37 000 hommes et 4 000 chevaux, se dirige alors vers les côtes algériennes. À partir du 13 juin, les batailles sur terre et sur mer se succèdent, opposant l’armée française à celle du dey d’Alger. Le 3 juillet, la flotte bombarde la ville d’Alger en soutien des troupes au sol. Le lendemain, les marins assistent depuis la mer à l’explosion du fort l’Empereur, bastion ottoman qui protégeait la ville au sud. Gudin choisit de représenter sur une toile de petit format les combats du 4 juillet qui préparent la capitulation et la prise d’Alger le jour suivant. Un immense voilier fait feu au centre de la composition tandis que, masqués par les fumées, d’autres navires s’approchent des côtes. Le ciel bleu, jauni par le soleil, se reflète sur une mer peu agitée. À l’arrière-plan, au sommet de la crête, le fort détruit est signalé par un discret panache blanc. Avec Gudin l’horreur de la guerre se noie dans le sublime.
À son retour, Gudin réalise la commande prestigieuse de quatre-vingt-dix tableaux destinés au musée de Versailles pour commémorer le souvenir des grands épisodes de l’histoire navale française. Après avoir reçu le titre de baron par Louis-Philippe, il est élevé au grade d’officier de la Légion d’honneur en 1841. Dès lors, le peintre parvient à ne jamais s’éloigner du pouvoir et reçoit encore de nombreuses commandes sous le Second Empire.
