Sébastien Melchior CORNU (1804-1870)

L’Ange et la Mortelle, 1836
Huile sur toile
62,5 × 50,5 cm
Signé et daté en bas à gauche Cornu. 1836.
Exposition : Lyon, salon de 1836, no 53 : « Sujet tiré du poème des Amours des Anges de Thomas Moore »
Vendu
De retour en Angleterre en 1823, après deux années passées en France, près de Paris, le poète irlandais Thomas Moore (1779-1852) achève The Loves of the Angels, son dernier long poème. Le texte qui raconte les amours contre nature de trois anges pour de jeunes mortelles est traduit et publié en français la même année. Ancien élève de Fleury Richard et Claude Bonnefond à Lyon puis d’Ingres à Paris, Sébastien Melchior Cornu, jeune artiste de trente-deux ans, vient de rentrer d’un voyage en Turquie et en Grèce après avoir passé six années en Italie. À Rome où il s’est marié avec Albertine Hortense Lacroix, une proche des Bonaparte et du futur empereur Napoléon III, l’artiste a pu admirer les chefs-d’œuvre de l’Antiquité et de la Renaissance. De retour en France en 1836, Cornu fait halte à Lyon pour voir sa famille et participe au premier salon organisé par la société des amis des arts de sa ville natale. Le peintre présente alors trois tableaux : son autoportrait, un portrait d’homme et une toile au sujet obscur, qui attire l’attention des commentateurs.
L’œuvre titrée au livret Sujet tiré du poème des Amours des Anges de Thomas Moore est complétée par quelques vers choisis dans le texte : « Le bruit de mes ailes la fit tressaillir comme elle regagnait le bord du petit lac. Jamais je n’oublierai cet aspect, la pudeur, l’innocente surprise de cette figure radieuse, lorsque levant les yeux elle m’aperçut dans les airs… Ainsi qu’un tournesol sur le bord du ruisseau, elle resta immobile, la tête levée vers moi. » Le sujet à l’iconographie inédite racontant l’histoire d’un ange amoureux d’une humaine permet à l’artiste d’associer nouveauté et références aux maîtres anciens. Sa « mortelle », rousse et dénudée, se couvrant d’une peau de panthère, évoque en même temps l’Ève de la Genèse et Marie Madeleine face aux anges. L’apparition céleste, comme tenue par un fil dans les airs, est marquée par l’influence de son maître, Ingres, et celle de Raphaël. Le souci du détail porté à la végétation du premier plan contraste avec la liberté du traitement de la lumière autour de l’ange. Alphonse Dupasquier, dans L’Art à Lyon en 1836, salue les qualités de la toile et en particulier la figure féminine qu’il qualifie de « dessinée et peinte avec talent ».
Installé à Paris avec son épouse à partir de 1837, Sébastien Cornu reçoit quelques commandes officielles pour des églises et pour le château de Versailles, puis, à la chute de la monarchie de Juillet, participe au concours national pour la figure de la République en 1848. L’élection comme président de Louis-Napoléon Bonaparte, avec lequel son épouse a grandi, ouvre à l’artiste les portes du pouvoir. Sous le Second Empire, il accumule les projets prestigieux et devient l’éphémère administrateur du musée Napoléon III, poste dont il démissionne en 1862. Cornu meurt le 23 octobre 1870, quelques semaines après l’abdication de l’empereur.
