Blaise Victor MAREC (1862-1920)

Sous le réverbère, vers 1895-1900
Huile sur toile
46 × 38 cm
Signé en bas à gauche Victor Marec
Provenance : collection Henri Cain (1857-1937) ; par descendance
Vendu
Victor Marec, né en 1862, intègre à quinze ans l’École nationale supérieure des arts décoratifs puis, trois ans plus tard, l’École des beaux-arts dans l’atelier de Jean Léon Gérôme tout en suivant les cours de Jean-Paul Laurens à l’académie Julian. Encore jeune homme, Marec fait ses débuts au Salon de 1880 en exposant un portrait au pastel. Ses toiles La Petite Malade, récompensée d’une médaille de troisième classe en 1885, puis Lendemain de paie qui reçoit le prix du Salon l’année suivante, annoncent, par un certain misérabilisme social, une tendance majeure de son œuvre. À côté de nombreux portraits d’amis ou de commande, le peintre montre une prédilection pour les sujets montrant la vie et le travail des populations ouvrières. Ses œuvres au chromatisme retenu et volontairement narratives présentent avec un réalisme parfois nostalgique le petit peuple de Paris et de ses faubourgs.
La nuit est tombée sur la capitale, les usines ont fermé. Le brouillard, mêlé de fumées, envahit la rue éclairée au gaz. Sur la gauche, le pied d’un réverbère supporte une lampe sortie du cadre tandis qu’au loin une enseigne lumineuse difficilement lisible signale l’entrée d’un hôtel. Devant la porte, un homme et une femme, chaudement habillés, discutent. La teneur des paroles qu’ils échangent n’est pas un mystère. Au centre de la composition, véritable sujet de l’œuvre, une jeune femme, mains dans les poches, attend en jetant un regard oblique sur la gauche. Sa tenue composée d’un veston, d’une robe longue et d’une écharpe rouge est celle d’une ouvrière. Elle a fini sa journée de travail et son maigre salaire ne lui permet pas de vivre. Sur le qui-vive, elle scrute la rue, à l’affût d’un client ou inquiète, peut-être, de voir surgir la police. Sous la IIIe République, la prostitution parisienne, qui connaît son âge d’or, reste très encadrée. Qu’elle soit libre, pratiquée avec une carte, dans des horaires contraints, ou close dans des maisons de tolérance, la profession répond à des obligations légales drastiques. La jeune femme qui prend la pose pour Victor Marec n’est probablement pas une prostituée, mais un modèle ami. On la retrouve dans deux autres de ses toiles, jouant aux cartes ou buvant un verre avec deux hommes dans une taverne. Ces trois tableaux furent la propriété du dramaturge Henri Cain.
Victor Marec et Henri Cain, nés à quatre ans d’écart, ont dû se rencontrer et se lier d’amitié dans l’atelier du peintre Jean-Paul Laurens durant leurs études. Fils du sculpteur animalier Auguste Cain, Henri, comme son frère Georges, débute comme peintre et sculpteur avant de se consacrer pleinement à l’écriture de pièces de théâtre et de livrets pour l’opéra. Il est notamment l’auteur d’un Portrait du duc d’Aumale, conservé au musée Condé de Chantilly. De son côté, Marec poursuit sa carrière de peintre, jalonnée de récompenses et de commandes officielles, dont celle de décors pour le Sénat.
