Ary SCHEFFER (1795-1858)

Les Ombres de Francesca da Rimini et de Paolo Malatesta apparaissent à Dante et à Virgile, vers 1848-1855
Huile sur panneau
25 × 30 cm
Au revers, une ancienne étiquette annotée à l’encre Didot
Provenance : probablement offert par l’artiste à Hyacinthe Firmin-Didot (1794-1880) ; collection particulière, Oise
Né à Dordrecht en Hollande, Ary Scheffer grandit dans un foyer d’artistes ; son père est peintre et graveur, sa mère miniaturiste et ses frères, Henry et Arnold, deviendront respectivement peintre et critique d’art. À la mort de son père en 1809, il vient s’installer à Paris et entre dans l’atelier de Pierre Narcisse Guérin. Âgé de dix-sept ans, il expose pour la première fois au Salon, en 1812. Rapidement, il rencontre le succès public et attire sur lui l’attention du duc d’Orléans, futur roi Louis-Philippe, qui lui confie l’éducation artistique de ses enfants. Ses œuvres illustrent tour à tour de grands sujets historiques ou littéraires développés sur des toiles monumentales et des scènes de genre anecdotiques peintes dans des formats plus intimistes. À l’occasion du Salon de 1824, Ary Scheffer présente pas moins de quinze peintures dont, une dizaine de petits et moyens formats aux thèmes sentimentalistes. Diffusées grâce à la lithographie, ses compositions deviennent très populaires.
En 1835, sur une idée de son ami l’éditeur Hyacinthe Firmin-Didot, Scheffer travaille à la composition d’un tableau inspiré par les amours malheureuses de Francesca da Rimini et Paolo Malatesta telles que racontées par Dante dans L’Enfer. Le sujet a déjà inspiré le peintre dès 1822 et d’autres artistes avant lui, à l’image d’Ingres en 1819. Les deux amants infidèles, traditionnellement représentés avant ou pendant leur assassinat par le mari bafoué, sont ici peints au moment où Dante les croise et les interroge dans le deuxième cercle de l’Enfer. Leurs corps dénudés semblent flotter dans les airs, enlacés l’un à l’autre et couverts de linceuls. Leur blancheur livide les détache par contraste d’un fond sombre aux reflets rougeoyants tandis que les figures de Dante et de Virgile, verticalement placées sur la droite de la composition, sont plongées dans la pénombre. L’œuvre qui connaît un succès retentissant est acquise par Ferdinand Philippe d’Orléans, fils aîné du roi. À la mort accidentelle du jeune prince en 1842, elle revient à sa mère, Marie-Amélie. Six ans plus tard, peu après l’abdication de Louis-Philippe, la reine déchue, souhaitant vendre la toile avec le reste de sa collection, demande à Scheffer de la restaurer. L’artiste profite de cette occasion pour réaliser, avec l’assistance de son atelier, plusieurs répliques de la composition.
Entre 1848 et 1855, une vingtaine seront exécutées dans différents formats. L’une d’elles, peinte sur panneau dans de petites dimensions, semble avoir été offerte par l’auteur à son ami Didot qui lui avait suggéré le sujet. Cette répétition est mentionnée dans une notice biographique sur Scheffer, publiée en 1864 par Didot, comme réalisée de la main même de l’artiste et propriété de son ami. Dans cette petite version rapidement exécutée, Scheffer a concentré son attention sur les quatre figures principales en ne faisant que suggérer l’arrière-plan. Les blessures sur le corps des amants, derniers détails apportés par l’artiste aussi infimes qu’importants, parce qu’intégrées au vernis d’origine, ont aujourd’hui disparu.
