Pierre Georges JEANNIOT (1848-1934)

L’Onde et l’Ombre, vers 1890
Lavis d’encre noire et gouache sur papier
À vue 12 × 20,5 cm
Signé en bas à gauche Jeanniot.
Annoté au dos en bas à droite Les Misérables Ière part. livre II/chap viii
Œuvre en rapport : frontispice du chapitre VIII, « L’Onde et l’Ombre », de la Ire partie des Misérables de Victor Hugo, Paris, Émile Testard et Cie (dite « Édition nationale »), 1890
Vendu
Il se sent enseveli à la fois par ces deux infinis,
l’océan et le ciel ; l’un est une tombe, l’autre est un linceul.
Les Misérables, avec Notre-Dame de Paris, est l’un des romans les plus célèbres de Victor Hugo. Publiée en 1862, l’œuvre historique, sociale et philosophique suit la figure de Jean Valjean durant la première moitié du xixe siècle. Si l’idée générale date de 1845, Hugo reprend et termine le texte pendant son exil à Guernesey au début des années 1860. Certaines parties, comme « L’Onde et l’Ombre », sont entièrement ajoutées à cette époque. Rédigé sous la forme d’un poème en prose, ce passage décrit la lutte inexorable d’un homme, rejeté dans les flots par un navire, pour tenter de survivre. Métaphore de la place de l’individu dans une société qui cherche inéluctablement à le broyer, ce poème s’insère telle une pause métaphorique au cœur du récit.
Le 5 mars 1884, Victor Hugo concède le droit exclusif d’exploitation de son œuvre complet en format in-quarto aux éditeurs Émile Testard et Jules Lemonnyer. Ce projet baptisé « Édition nationale » s’annonce titanesque. Le 22 mai de l’année suivante, la mort de l’écrivain fait évoluer l’entreprise en véritable hommage au grand homme. Pour l’illustration des œuvres d’Hugo, les éditeurs font appel à certains des artistes les plus célèbres. Alexandre Cabanel, Léon Comerre, Fernand Cormon, Henri Fantin-Latour, Jean Léon Gérôme, Jean-Jacques Henner, Luc Olivier Merson, Georges Antoine Rochegrosse et même Auguste Rodin font partie des contributeurs. En 1891, Testard confie l’ensemble des illustrations des Misérables à un seul artiste : Pierre Georges Jeanniot. Fils d’un ancien directeur de l’école des beaux-arts de Dijon, Jeanniot, qui se destinait initialement à une carrière militaire, avait fait ses débuts au Salon de 1872. Peintre, dessinateur et graveur, proche d’Edgar Degas et d’Édouard Manet, il est très souvent sollicité comme illustrateur par les éditeurs parisiens.
Jeanniot, s’appropriant pleinement le roman d’Hugo, réalise pour l’illustrer plus de deux cents dessins et vingt-cinq peintures en noir et blanc destinés à la gravure. Guidée par le texte, sa composition pour « L’Onde et l’Ombre »est moins narrative, plus « symboliste » que les autres. Au premier regard, l’image, noircie d’encre puis relevée de gouache pour blanchir l’écume et la ligne d’horizon, apparaît comme le portrait d’une vague. En bas à droite, l’homme malmené par les flots est littéralement noyé dans l’ensemble comme un détail secondaire prêt à disparaître de la composition. Plus encore que pour d’autres planches de l’ouvrage, la version gravée de cette œuvre ne parvient pas à restituer la dramaturgie et la subtilité du dessin de l’artiste.